Le Défi des 39 Sommets
La naissance du projet
En 2012, après quelques années à partir randonner en autonomie sans mes parents, je m'engage dans des itinéraires de plus en plus sauvages et je commence naturellement à m'intéresser à l'alpinisme. Comme tout bon néophyte, je découvre rapidement le "Défi des 7 Sommets" qui consiste à gravir le plus haut sommet de chaque continent. Attirant dans un premier temps, je comprends rapidement que je n'aurai pas des dizaines de milliers d'euros à investir dans une tentative d'ascension de l'Everest ou dans une expédition en Antarctique pour le Mont Vinson.
Dans le même temps, je m'intéresse de plus en plus aux sommets autour de Valloire, le secteur qui a vu naître ma passion pour la montagne. Le Grand Galibier étant l'un des sommets emblématique de la station, je commence donc à regarder comment on y monte. C'est en étudiant cet itinéraire que je me rends compte que le Grand Galibier est le point culminant du Massif des Cerces. Je découvre alors la notion de massif, ce qui me permet de bien mieux comprendre ces "secteurs" dont j'ai toujours entendu parler, sans jamais bien me les représenter : Aravis, Écrins, Vanoise, Chartreuse, Vercors, ...
Les Alpes Occidentales (correspondant grossièrement à l'ensemble des massifs au moins partiellement situés en France) sont divisées en 39 massifs. Valloire se situe entre le Massif des Cerces et le Massif des Arves. Je me rends alors bien compte que, même si je connais très bien le secteur de Valloire, je ne connais presque rien des Alpes. D'ailleurs, quand la vue se dégage, je ne sais alors guère identifier que le Mont Blanc, la Barre des Écrins ou le Mont Viso, parmi les sommets situés à plus d'une dizaine de kilomètres.
Carte des 39 Massifs des Alpes Occidentales (source Wikipédia, avec quelques corrections apportées).
Je me mets alors en tête de découvrir les Alpes (Occidentales) en gravissant le plus haut sommet de chacun des massifs. C'est ainsi qu'est née cette idée de "Défi des 39 Sommets", un genre de "Défi des 7 Sommets" du pauvre ! Je passe alors presque un an à étudier les itinéraires de tous ces sommets, certains me semblant alors complètement inaccessibles. Je classe ces sommets par altitude, en leur attribuant une couleur en fonction de leur difficulté. Vert : très facile, pas de danger. Jaune : facile, mais certaines caractéristiques de l'itinéraire font qu'il est tout de même nécessaire de rester prudent (itinéraire long, un peu de hors sentiers, ...). Orange : itinéraire à la difficulté modérée, comportant des passages techniques et un peu exposés, mais on reste sur de la randonnée. Rouge : l'itinéraire est long et technique, les passages exposés ne doivent pas être pris à la légère. Gris : alpinisme, itinéraires engagés qui ne pourrons probablement pas être faits seul.
Montagne Massif Altitude Difficulté estimée Difficulté ressentie
Le Mont Blanc Mont-Blanc 4810 m
La Barre des Écrins Écrins 4102 m
Le Grand Paradis Grand Paradis 4061 m
La Grande Casse Vanoise 3855 m
Le Mont Viso Alpes Cottiennes 3841 m
La Pointe de Charbonnel Alpes Grées 3752 m
La Pointe de Ronce Mont-Cenis 3612 m
L'Aiguille Méridionale d'Arves Arves 3514 m
Le Pic Bayle Grandes Rousses 3465 m
L'Aiguille de Chambeyron Chambeyron 3412 m
Le Pic Nord de la Font Sancte Escreins 3385 m
Le Pic de Rochebrune Queyras 3321 m
Le Mont Argentera Mercantour-Argentera 3297 m
La Haute Cime des Dents du Midi Giffre 3257 m
Le Grand Galibier (sommet Ouest) Cerces 3229 m
Le Mont Pelat Pelat 3051 m
Le Grand Bérard Parpaillon 3046 m
Le Roignais Beaufortain 2995 m
Le Grand Pic de Belledonne Belledonne 2977 m
L'Aiguille du Belvédère Aiguilles Rouges 2965 m
La Tête de l'Estrop Trois-Evêchés 2961 m
Le Taillefer Taillefer 2857 m
Le Grand Pic de la Lauzière Lauzière 2829 m
La Grande Tête de l'Obiou Dévoluy 2789 m
La Pointe Percée Aravis 2750 m
La Pointe Marguareis Alpes Ligures 2650 m
Les Hauts Forts Chablais 2466 m
La Pointe Blanche Bornes 2438 m
Le Grand Veymont Vercors 2341 m
Arcalod Bauges 2217 m
Les Monges Préalpes de Digne 2115 m
Chamechaude Chartreuse 2082 m
La Pointe des Trois Communes Préalpes de Nice 2080 m
Le Jocou Diois 2051 m
La Montagne de Céüse Bochaine 2016 m
Le Puy de Rent Préalpes de Castellane 1996 m
Le Mont Ventoux Mont de Vaucluse 1911 m
La Montagne de Mare Baronnies 1622 m
Le Mourre Nègre Luberon 1125 m
À l'époque, je me demandais bien comment j'allais pouvoir réaliser ce défi. Par exemple, le Grand Galibier que je considère aujourd'hui comme un itinéraire facile, me semblait déjà presque inatteignable ...
L'année est passée et les vacances d'été 2013 sont arrivées, l'occasion d'enfin se lancer dans ce défi !
1. Le Grand Galibier (Sommet Ouest) - 3229 m - Massif des Cerces - 26/07/2013
À l'été 2013, j'attaque ce défi, en commençant "local" : le Grand Galibier. Au départ de Plan Lachat, je commence par monter au Lac des Cerces (comme pour la randonnée des 3 Lacs, ma randonnée "signature" à l'époque), puis je pars vers le Col de la Ponsonnière et je monte au Lac Termier. Commence alors la "partie technique" de l'itinéraire : la remontée du versant Sud-Est à travers un grand pierrier, puis après un petit passage où l'on se sert un peu des mains, on rejoint une arête (qui à l'époque me semblait super gazeuse, alors que pas du tout ...). J'étais resté bloqué plusieurs minutes en arrivant sur cette arête. Faire demi-tour ou continuer ? J'ai finalement réussi à me maîtriser, mais j'ai vraiment failli renoncer ...
J'ai fait ce sommet le dernier jour de mes vacances, le 26 Juillet 2013. Tout l'été, j'ai eu peur de me lancer, puis finalement, après avoir atteint le sommet, j'étais encore plus accro à la montagne qu'avant.
Le versant Sud-Est du Grand Galibier, vu depuis le Roc Termier. Le sommet Ouest est celui de gauche.
En 2014, je refais le Grand Galibier, mais aucun autre sommet de la liste. Malheureusement, ma situation personnelle de l'époque faisait qu'il était difficile d'entreprendre des choses nouvelles. En l'occurrence, sortir du secteur de Valloire pour une partie des vacances peut paraître totalement anodin, mais aurait été une pure folie ! Heureusement, mon avenir n'allait pas tarder à s'éclaircir ...
2. Le Pic de Rochebrune - 3321 m - Massif du Queyras - 25/08/2015
En 2015, ma situation change ! À force de voir le Pic de Rochebrune qui se détache très bien sur l'horizon depuis le Col du Galibier, je pars tenter ma chance (le 25 Août 2015). Le point culminant du Queyras est à l'époque (et de loin) l'itinéraire le plus compliqué, engagé et exposé que je n'ai jamais fait. Au départ du Col de l'Izoard, je rejoins le Col des Portes par un sentier lunaire, puis j'atteins la partie plus technique, qui monte dans un couloir et passe par quelques pas d'escalade facile. Le sommet un peu aérien m'avait bien impressionné à cette époque.
Le Pic de Rochebrune, vu depuis le Mont Chaberton.
3. Le Grand Veymont - 2341 m - Massif du Vercors - 10/10/2015
Ensuite, en Octobre, quelques jours en amoureux dans le Vercors furent l'occasion d'aller découvrir le Grand Veymont (10 Octobre 2015). Durant la randonnée, je repensais à comment, quelques mois plus tôt, ce secteur me semblait encore tellement abstrait, en étudiant les cartes (jamais vu depuis Valloire). La journée étant très belle, le sommet était plutôt fréquenté ce jour-là, mais nous avons quand même pu voir plein de bouquetins, et la vue sur le Mont Aiguille y est saisissante.
Le Grand Veymont dans une ambiance automnale (en haut à gauche), vu depuis Gresse-en-Vercors.
4. Arcalod - 2217 m - Massif des Bauges - 07/11/2015
Alors que je pensais la saison finie, j'ai appris que je serai en séminaire dans le Vercors, les Lundi 9 et Mardi 10 Novembre. Le 11 étant férié, et la fin d'année étant exceptionnellement sèche, j'ai décide de me rendre sur place avant le séminaire pour arpenter un peu les Alpes.
Le Samedi 7 Novembre, nous sommes partis à l'assaut d'Arcalod. Nous sommes arrivés au sommet en fin d'après-midi (par la mythique face Est, verticale à souhait pour une randonnée). Nous avions à peine eu le temps de redescendre la partie difficile que la nuit est tombée et nous avons fini à la frontale. Un super souvenir !
Arcalod et sa face Est.
5. Chamechaude - 2082 m - Massif de la Chartreuse - 09/11/2015
Le Dimanche 8 Novembre, après avoir déposé Alita à la gare de Chambéry (elle bossait en IDF le lendemain), j'ai dormi au Charmant Som pour faire rapidement Chamechaude le lendemain matin, avant d'aller à mon séminaire. Le Lundi, après avoir vainement tenté de dormir dans ma voiture (un coupé de kéké ...), je me suis lancé en direction du point culminant de la Chartreuse. À cette heure, j'étais le premier à passer et j'ai eu la chance de voir plein de chamois. À part un petit passage câblé sous le sommet, l'itinéraire reste une randonnée classique. J'ai quand même eu un petit coup de pression en voyant le sommet indiqué à 3h au Col de Porte, car je n'avais que 2h30 pour faire l'aller-retour si je voulais être à l'heure à mon séminaire. Finalement, l'horaire était largement surévalué et je n'ai mis que 2h pour faire l'aller-retour (sans trop me laisser porter non plus).
L'impressionnante face Ouest de Chamechaude.
6. Le Jocou - 2051 m - Massif du Diois - 10/11/2015
Le Mardi 10 Novembre, après mon deuxième jour de séminaire, je pars vite au Col de la Croix Haute pour gravir le Jocou. Coucher de Soleil au sommet, superbe vue sur les Baronnies, avec le Ventoux en toile de fond. Redescente seul de nuit, entre des troupeaux de moutons. Les chiens aboyaient partout autour de moi. L'angoisse ... Spoiler : j'ai survécu.
Le Jocou, vu depuis son arête Nord.
Coucher de Soleil sur le Ventoux et les Baronnies, depuis le Jocou.
7. La Pointe Percée - 2750 m - Massif des Aravis - 11/11/2015
Le Mercredi 11 Novembre 2015, après une nuit de plus dans la voiture, au Col des Annes, je m'attaque aux Aravis, avec la Pointe Percée (2750 m). La nuit a été très froide et tout a gelé. Le sommet est assez impressionnant et m'a laissé un très bon souvenir, surtout la face Ouest, très alpine. La journée étant exceptionnelle pour la saison (grand beau et montagne sèche), le sommet était très fréquenté ce jour-là. Je me rappelle d'un Bordelais qui a glissé et a déclenché une avalanche de pierres dans la face Ouest. Tout le monde criait de s'abriter contre les parois. Petite frayeur en voyant les pierres passer au-dessus de moi ... Après être redescendu, retour direct en IDF. Dur ...
La Pointe Percée et sa face Ouest.
8. La Montagne de Mare - 1622 m - Massif des Baronnies - 23/03/2016
En 2016, la saison commence très fort. Lors d'un week-end à Sisteron, nous partons parcourir la crête de la Montagne de Mare, l'une des randonnées les plus facile de cette série. Malheureusement, à cette période, la météo peut être rude : nous avons eu le droit à une tempête de neige qui nous laissera un souvenir impérissable ! J'y ai eu encore plus froid qu'à la Barre des Écrins ...
Le sommet secondaire de la Montagne de Mare, dans la tempête de neige.
9. La Pointe Blanche - 2438 m - Massif des Bornes - 04/07/2016
Lors d'une semaine de vacances vers Annecy, je me retrouve seul une journée, car Alita doit passer un entretien. Après avoir fait le Mont Charvin (dans les Aravis), il me restait pas mal de temps. Je suis donc parti à l'assaut de la Pointe Blanche. Depuis le Col de la Colombière, j'ai commencé par rejoindre le Col du Rasoir. Avant d'aller à la Pointe Blanche, j'ai voulu faire un crochet par le Pic de Jallouvre, tout proche. Après avoir traversé ce col, je suis tombé sur un névé persistant, en face Nord du Jallouvre. Le piolet étant resté bien au chaud dans la voiture, j'ai eu un petit moment de galère et d'inquiétude pour le traverser ... De retour au Col du Rasoir, j'ai eu peur que la montée à la Pointe Blanche soit encore pire, et vu l'heure, je ne devais plus trop tarder (restaurant avec Alita le soir, qui "revenait" en vacances après son entretien). Finalement, pas de galère pour la Pointe Blanche et j'ai été à l'heure au restaurant !
La Pointe Blanche, vue depuis le Pic de Jallouvre.
10. La Barre des Écrins - 4102 m - Massif des Écrins - 15/07/2016
J'avais prévu cet été-là de faire la Barre des Écrins. Après deux semaines dans les Alpes, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai contacté un guide pour ce sommet mythique qui me faisait si peur, depuis tant d'années. Cette face Nord gelée qui règne sans partage sur la ligne d'horizon a toujours provoqué chez moi un mélange de crainte et d'admiration. Rendez-vous était pris avec Jonathan, le 14 Juillet à Vallouise, pour un sommet le 15. Nous sommes montés au Refuge des Écrins le 14 et j'y ai retrouvé par hasard un ami d'école (Florent), qui partait pour la Roche Faurio le lendemain. Durant la nuit, j'ai énormément stressé et n'ai pas réussi à trouver le sommeil : ça allait être mon premier 4000, la météo était vraiment pourrie et le vent soufflait très fort, à en faire trembler les murs du refuge. Les heures passaient et je ne trouvais pas le sommeil. Je regardais régulièrement ma montre : 22h, 23h, 0h30, 1h45 ... Puis 2h38. Le réveil étant prévu à 2h45, j'ai compris que j'allais aborder mon premier 4000 après une nuit blanche. Le gardien est venu réveiller la chambre : "il y a du vent, mais il fait grand beau !". Enfin une bonne nouvelle, l'épaisse couche de nuage de la veille était passée durant la nuit (enfin le début de nuit). Nous avons avalé notre petit déjeuner et avons attaqué l'ascension. Après avoir rapidement doublé toutes les cordées, nous sommes arrivés les premiers au pied de l'immense face Nord. Elle est très exposée aux chutes de séracs et Jonathan m'a fait comprendre qu'il allait falloir tenir un bon rythme. De fortes rafales nous plaquaient parfois au sol. Une fois au pied de la face finale, je pensais initialement que nous allions rejoindre la Brèche Lory et suivre la voie normale. Mais avec ce vent, l'itinéraire était trop risqué et une fois sous le sommet, Jonathan m'a dit que le Couloir Coolidge était en parfaites conditions. Nous sommes donc montés droit dans la face et avons atteint le sommet ainsi. Mon premier 4000 ! Je me rappelle encore que je n'étais pas à l'aise du tout là-haut. En redescendant, nous avons fait un crochet par le Dôme de Neige des Écrins (4015 m), avant de revenir en direction du Pré de Madame Carle. J'ai laissé Jonathan au Refuge du Glacier Blanc, car il attendait des clients pour le lendemain. Durant la fin de ma descente, j'ai appris que la majorité des cordées avait renoncé au sommet à cause des conditions météorologiques. J'ai doublé mes compagnons de table du refuge qui m'ont dit que "il y a deux fous qui ont fait le sommet par le Couloir Coolidge, avec leur frontales c'était super impressionnant dans la nuit". Je leur ai dit que c'était Jonathan et moi, mais que je n'en menais vraiment pas large ! Aujourd'hui je m'en rend bien compte, j'étais littéralement mort de trouille ce jour-là. Heureusement que Jonathan a su me convaincre de passer par là, sinon nous n'aurions probablement pas été au sommet. Ce fut également le début d'une grande relation de confiance avec Jonathan. Aujourd'hui, quand il me dit que ça passe, j'y vais sans la moindre appréhension.
Avec la Barre des Écrins, je suis devenu encore plus accro à l'alpinisme, que je découvrais tout juste à l'époque, par des sommets très faciles comme l'Aiguille du Goléon ou le Pic de l'Etendard.
La Barre des Écrins, depuis le Glacier Blanc.
La Barre des Écrins, depuis le Dôme de Neige. On voit le vent, qui fait passer la neige au-dessus du Pic Lory.
11. La Grande Tête de l'Obiou - 2789 m - Massif du Dévoluy - 12/08/2016
Après les longues vacances de Juillet, nous revoilà dans les Alpes pour un petit week-end prolongé du 15 Août. Le Dévoluy ayant la réputation d'être magnifique et très peu fréquenté, c'est là que nous avons choisi de passer ces "petites vacances". Principal objectif pour moi durant ces vacances : la Grande Tête de l'Obiou. Le 12 Août, nous sommes partis pour le sommet, en sachant que le Couloir du Petit Obiou serait très impressionnant. Arrivés au pied du couloir, nous avons d'abord été voir la grotte de glace, qui vaut largement le détour. Ensuite, la montée du couloir a tenu ses promesses, puis le final par la Vire de la Cravate nous a également laissé de très bons souvenirs.
La Grande Tête de l'Obiou, vue depuis le Chalet des Baumes.
La Grotte de Glace du Petit Obiou.
Descente du Couloir du Petit Obiou. Il ne faut pas glisser !
12. La Montagne de Céüse - 2016 m - Massif du Bochaine - 14/08/2016
Toujours pendant notre petit week-end Dévoluy, nous avons franchi le Col du Festre pour aller faire un tour à la Montagne de Céüse, dans le Massif du Bochaine. L'itinéraire très facile sur la crête de cette montagne en forme de fer-à-cheval offre une vue panoramique sur le Dévoluy, Gap et la Vallée de la Durance. Idéal pour une journée tranquille, nous en avons profité pleinement !
Le chemin sur la crête de la Montagne de Céüse.
13. Le Grand Pic de la Lauzière - 2829 m - Massif de la Lauzière - 22/08/2016
Fin de saison, après un week-end éclair dans les Alpes pour le Trail du Galibier, étant parti tôt le matin, je me suis rendu compte que j'avais le temps de faire un petit itinéraire sur le chemin du retour. Je suis donc monté au Col de la Madeleine pour faire le Grand Pic de la Lauzière en express. L'itinéraire est une course d'alpinisme cotée F à cause du final sur le Glacier de Celliers et sur l'arête Nord du Grand Pic de la Lauzière. L'aller-retour fait 10km, pour 1200m de dénivelé : pas de doute, le sentier va au plus court ! Ce sommet était le treizième de mon défi, soit 1/3 de la liste, un beau jalon avant de s'arrêter là pour 2016 !
Le Grand Pic de la Lauzière, vu depuis le Glacier de Celliers.
14. Les Monges - 2115 m - Massif des Préalpes de Digne - 26/05/2017
Fin Mai 2017, nous étions dans les Alpes-de-Haute-Provence pour le Trail de Haute Provence. À cette saison, dans les Préalpes de Digne, la neige n'est plus un problème depuis longtemps et nous en avons profité pour faire les Monges. L'itinéraire qui passe par deux magnifiques crêtes très esthétiques est idéal pour une journée de randonnée tranquille, un peu comme la Montagne de Céüse. Le jour où nous y sommes passés, un nuage sur le sommet nous a fait craindre de revivre les conditions très rudes de la Montagne de Mare, mais heureusement, il y avait juste un peu de vent.
Les Monges, vues depuis la Crête du Raus.
15. Le Mont Blanc - 4810 m - Massif du Mont-Blanc - 08/07/2017
Nous y voilà ... "THE ONE". Bien que dans cette liste, nombreux soient les sommets plus beaux, plus sauvages, plus techniques, aucun n'a autant d'aura que lui. Quand on veut parler de montagne à quelqu'un qui ne connaît pas trop le milieu, mieux vaut avoir gravi le Mont Blanc pour être pris au sérieux. C'est un peu le laisser-passer de la légitimité auprès du grand public. Étant le plus haut sommet des Alpes, et (quoi qu'on en dise) un sommet mythique, j'avais très envie de m'y attaquer. Mais en même temps, cette pression sociale me "forçant" à y aller et sa mauvaise réputation dans le milieu de la montagne (il faut bien l'avouer, une grande quantité de prétendants au sommet n'a rien à faire ici : aucune expérience, aucune culture montagne, pas de sensibilité à la fragilité de cet environnement, ascension qui sera leur seule fois en haute-montagne, ...) ne me motivaient pas trop à entreprendre l'ascension.
Je me suis finalement décidé, et étant en confiance après la Barre des Écrins, j'ai refait appel à Jonathan. Nous nous étions donné rendez-vous le 7 Juillet à Saint-Gervais pour monter au Refuge du Goûter et faire le sommet le lendemain. Nous devions prendre le premier train allant au Nid d'Aigle, à 7h20. Étant à Valloire, je me suis donc levé à 4h00 pour être dans les temps. Ensuite, nous avons pris le train et nous avons attaqué l'ascension. Jusqu'au Glacier de Tête Rousse, rien de bien spécial. Nous étions alors au pied du Couloir du Goûter, le principal danger de l'itinéraire. Connu comme étant "le couloir de la mort", j'angoissais à l'idée de devoir le traverser. Coup de chance, lors de la montée, seules de petites pierres roulaient de temps en temps et nous avons pu passer rapidement et en sécurité (Jonathan avait choisi de prendre le premier train pour avoir un horaire de traversée plus favorable). Nous sommes ensuite arrivés au Refuge du Goûter et il n'y avait plus qu'à attendre le lendemain. Je me suis endormi vers 21h00, ce qui fait que le réveil à 1h30 du matin n'était pas si brutal (5h30 de sommeil, un luxe !). Nous sommes ensuite partis vers 2h40. La montée au Dôme du Goûter m'a paru durer une éternité. Le vent était fort et glacial et il faisait nuit noire. Une vraie partie de plaisir ! Après avoir traversé le Col du Dôme, nous sommes allés nous reposer un peu dans le Refuge Vallot. Grave erreur ! C'était un véritable dépotoir. Des gens avaient dormi dedans (alors que c'est interdit, sauf en cas d'urgence), des déchets jonchaient le sol de partout, plusieurs personnes semblaient présenter des signes de mal des montagnes. L'ambiance était pesante et ne motivait pas à continuer. Mon moral baissait et je ne croyais même plus au sommet. Nous sommes ressortis et les premières lueurs de l'aube commençaient à éclairer la montagne. Ça m'a remotivé en quelques secondes ! Nous avons laissé les bâtons de marche pour sortir les piolets et nous avons attaqué l'Arête des Bosses. Les conditions de neige étaient parfaites. Seul le vent venait mitiger la sensation "positive" fraîchement revenue. Juste après les Bosses, nous avons doublé la seule personne qui se trouvait devant nous. Si personne n'arrivait avant nous par l'itinéraire des Trois Monts, nous allions être les premiers au sommet. Sur la fin, l'altitude se faisait vraiment sentir, puis la pente s'est radoucie et nous avons atteint le sommet. Personne ! Nous avons eu le sommet pour nous tout seuls pendant presque 5 minutes. Ça ne paraît pas, mais c'est exceptionnel au Mont Blanc, surtout en Juillet. Nous avons attendu jusqu'au lever du Soleil, puis après avoir profité encore un peu, nous avons attaqué la redescente. Sur le haut de l'arête, l'ambiance était vraiment euphorique. Je me rappelle encore des "Congratulations guys" qui fusaient de toutes parts (beaucoup d'étrangers viennent tenter leur chance au Mont Blanc et les Français et Italiens ne sont pas forcément majoritaires là-haut). Tout le monde avait un grand sourire ! Quand on vit en IDF, comme c'était mon cas à l'époque, ça fait vraiment bizarre de voir autant de gens heureux et souriants ! La redescente de l'Arête des Bosses était vraiment magique : entre la vue et l'environnement aérien, tout était au top. La redescente du Refuge Vallot au Refuge du Goûter s'est ensuite passée sans encombre, puis après une petite collation, nous nous sommes lancés dans la descente finale vers le Nid d'Aigle. Dur retour à la réalité. Avec l'euphorie du sommet, j'en avais oublié la traversée retour du Couloir du Goûter. Pendant la descente, quelques pierres sont tombées, mais rien d'alarmant. Une fois au lieu de la traversée, nous avons dû attendre qu'une chute de pierres un peu plus conséquente que les autres se calme et nous sommes passés. Ensuite, le retour au Nid d'Aigle n'a été qu'une simple formalité. Nous sommes redescendus par le train de 10h50. Contrairement à celui que nous avions pris la veille, celui-ci ne montait pas des alpinistes, mais plutôt des touristes désireux de découvrir la haute-montagne en faisant le moins d'efforts possible (contrairement à ce que cette phrase peut laisser penser, ce n'est pas un jugement de valeur, j'essaye juste de décrire la situation telle qu'elle est). L'ambiance "crampons - piolet" des alpinistes qui redescendaient du sommet a vite été diluée par l'immense flot sortant du train, devenant plutôt une ambiance plutôt "tongs - perches à selfie". Mais c'est également ça qui rend l'atmosphère du Mont Blanc si particulière et unique ! Au final, ça aura quand même été un excellent souvenir. Le Mont Blanc, ce n'est pas rien quand même !
Le Mont Blanc, vu depuis le Col du Dôme.
Le Couloir du Goûter, principal danger de l'itinéraire.
Remontée de l'Arête du Goûter.
L'Arête des Bosses, vue en redescendant du sommet du Mont Blanc.
Retour en bas de l'Arête des Bosses.
Regard vers le Mont Maudit, en descendant l'Arête des Bosses.
16. Le Pic Nord de la Font Sancte - 3385 m - Massif d'Escreins - 16/07/2017
Pour la fin des vacances, je suis parti à l'assaut du Pic Nord de la Fonte Sancte. C'était le jour de la cyclosportive l'Étape du Tour, qui passait au Col de Vars. J'ai donc dû partir très tôt pour aller au Val d'Escreins avant la fermeture de la route. L'itinéraire était long (22km, 1700 m D+), mais pas assez pour m'occuper jusqu'à la fin de la journée, avant que la route ne rouvre. Je savais qu'il allait donc falloir que je prenne mon temps. La première partie de l'itinéraire est longue et suit un chemin dans la forêt, jusqu'à l'Oratoire de la Font Sancte. À partir de cet endroit, on quitte le sentier pour partir "à l'aventure". Le fait de n'avoir vu personne de la journée à cause de mon départ aux aurores et la sensation d'éloignement par rapport au point de départ, lui-même déjà loin de la civilisation, ont commencé à me faire stresser, la suite de l'itinéraire étant réputée un peu impressionnante. Après la longue remontée du Vallon du Rif Bel, en arrivant au pied du Couloir Ouest, je me suis lancé dans la partie technique de l'ascension. La partie haute du couloir est inclinée à 40° et des éboulis fins recouvrent à peine des dalles glissantes qui affleurent. J'ai donc préféré escalader la paroi rocheuse sur la gauche du couloir. J'ai ainsi atteint le sommet, sous un Soleil de plomb. L'horizon était très clair, la météo parfaite n'allait pas changer. Je me suis donc accordé une sieste au sommet, sur la grande et fine dalle rocheuse qui surplombe le vide. Je ne pensais pas vraiment m'endormir dans un tel endroit, mais j'ai pourtant sombré très vite ! Ce n'est que plus d'une heure plus tard que j'ai été réveillé par un léger sifflement persistant. Des planeurs tournaient autour du sommet et je voyais les pilotes qui me regardaient. Il m'ont fait des signes pour me demander si tout allait bien. Je leur ai donc indiqué que tout était OK pour moi, tout en étant encore un peu vaseux. Je pense leur avoir mis un petit coup de stress, allongé là-haut, immobile ! La redescente a ensuite été une partie de plaisir, en se laissant porter par les éboulis. J'ai ensuite flâné dans la forêt du Val d'Escreins, pour attendre la réouverture de la route du Col de Vars.
Le couloir qui permet de monter au Pic Nord de la Fonte Sancte.
17. Les Hauts Forts - 2466 m - Massif du Chablais - 12/08/2017
Profitant cette année encore du week-end prolongé du 15 Août pour partir dans les Alpes, nous avons passé une journée à Avoriaz pour découvrir cette station atypique et pour nous offrir les Hauts-Forts, point culminant du Massif du Chablais. Pour être tout à fait honnête, la première partie de l'itinéraire, sur le domaine skiable d'Avoriaz, n'a rien d'exceptionnel. Heureusement, à partir de l'arête Est, ça devient nettement plus beau et plus intéressant. Pendant que nous étions sur l'arête, un nuage est venu donner une petite ambiance mystique à notre ascension. La redescente, par l'arête Ouest et le Col de l'Encarnette était beaucoup plus plaisante et sauvage que la montée.
L'arête Est des Hauts-Forts.
18. Le Grand Paradis - 4061 m - Massif du Grand Paradis - 05/09/2017
Fin d'été 2017, nous sommes partis 2 semaines en vacances, juste après la rentrée scolaire. Le Grand Paradis était encore en conditions, c'était l'occasion d'emmener Alita faire son premier 4000 ! Après une nuit au camping de Pont Breuil, nous sommes montés au Refuge Victor Emmanuel II. Nous étions avec deux Néerlandais dans la chambre. Pas de bol, l'un des deux ronflait littéralement comme une locomotive ... Je n'avais jamais vu (ou plutôt entendu) ça ! Le petit-déjeuner étant prévu à 3h45, j'avais prévu de me lever pile à cette heure pour épargner un peu Alita. Quelle surprise lorsqu'à 3h30, c'est elle qui m'a réveillé, déjà presque prête ! Après un petit-déjeuner vite avalé, nous nous sommes équipés et sommes partis dans la nuit. Le début de l'itinéraire n'est pas très technique : traversée d'une longue zone de blocs rocheux, puis remontée d'une moraine, elle aussi assez longue. Ensuite, quelques pas d'escalade facile avant de traverser un long (encore !) replat, qui mène au Glacier de Laveciau (le Glacier du Grand Paradis n'était plus praticable depuis bien longtemps déjà, à cette période de l'année). Une fois équipés, nous avons remonté le Glacier de Laveciau en serpentant entre les immenses crevasses, puis le Glacier de la Schiena d'Asino, jusqu'à atteindre la rimaye, très ouverte à cette période de l'année. Il ne restait alors plus que LE passage mythique de cette course, le pas au-dessus du vide pour accéder à la Madone. Mais, le vrai sommet du Grand Paradis ne se situe pas à la Madone (4058 m), mais un peu plus au Nord. Contrairement au sommet de la Madone, le "vrai" sommet était complétement désert. Le pied ! Pour ne rien gâcher à cette journée, la météo était parfaite : pas un nuage, pas le moindre vent et une température relativement "chaude" (si le Soleil n'avait pas risqué de me faire brûler, je me serais bien mis en t-shirt).
Le Grand Paradis, vu depuis le sommet de la Madone.
Le pas dans le vide, pour accéder au sommet de la Madone du Grand Paradis.
19. La Pointe des Trois Communes - 2080 m - Massif des Préalpes de Nice - 09/09/2017
Plus tard, durant les mêmes vacances que pour le Grand Paradis, nous sommes descendus vers la Méditerranée. La Pointe des Trois Communes était plus ou moins sur notre chemin et l'itinéraire étant facile et court, nous avons fait un petit crochet. Chose peu commune, on se gare presque au sommet, puis on descend pour ensuite remonter à notre point de départ. En chemin, il y a plusieurs anciens forts militaires à voir. Cette randonnée ressemble presque à une visite culturelle !
La Redoute de l'Authion, au sommet de La Pointe des Trois Communes.
L'épave d'un char, aux Cabannes Vieilles.
20. Le Mourre Nègre - 1125 m - Massif du Luberon - 12/09/2017
Toujours durant les mêmes vacances de Septembre 2017, nous avons profité de notre proximité avec le Luberon pour aller faire un tour au Mourre Nègre, son point culminant. Le sommet le moins haut et le plus méridional de la liste était également l'un des plus faciles. Sa situation excentrée permet de voir à la fois la Barre des Écrins, à plus de 4000 mètres d'altitude, et la Mer Méditerranée. Nous y avons passé une très belle journée de fin d'été ! Cette ascension m'a également permis de finir la saison en ayant passé la moitié de ce défi (20/39).
Le sommet du Mourre Nègre, vu depuis la ligne de crête du Massif du Luberon.
21. L'Aiguille Méridionale d'Arves - 3514 m - Massif des Arves - 23/07/2018
2018 a commencé sur les chapeaux de roues ! L'Aiguille Méridionale d'Arves est de loin le sommet le plus dur de ce défi : le plus technique, le plus physique, le plus exposé et le plus engagé. Ce sommet étant (beaucoup) trop complexe pour moi tout seul, j'ai fait appel à Jonathan pour augmenter mes chances de réussite et de survie. Rendez-vous était pris à 4h45, à Bonnenuit. J'étais censé être à Valloire à cette période, mais j'ai dû revoir mes plans de vacances un peu au dernier moment et j'étais finalement à la Clusaz. Le réveil aux aurores s'est donc transformé en réveil de Mont Blanc (1h30 ...). Après avoir retrouvé Jonathan, nous sommes partis pour l'ascension ! Jusqu'au Refuge des Aiguilles d'Arves, aucun problème, pareil jusqu'au fond de la Combe des Aiguilles. Ensuite, là où le chemin part sur la droite en direction du Col de Petit Jean, nous l'avons quitté pour partir sur la gauche, droit dans la pente, et rejoindre la crête entre le Col des Trois Pointes et la Pointe Salvador. La montée était interminable et assez impressionnante sur le haut, mais ce n'était encore que la marche d'approche ... Après avoir rejoint la Pointe Salvador, nous avons attaqué l'arête Sud de l'Aiguille Méridionale d'Arves. Jusqu'à la Brèche Brulle, nous sommes restés sur le fil de l'arête. Après la brèche, nous avons suivi la grande vire horizontale, puis nous avons tant bien que mal cherché le meilleur itinéraire dans cette face vertigineuse (vertigineuse pour moi, Jonathan allait et venait en galopant ...). Une fois au sommet, j'étais vraiment heureux d'y être arrivé, mais en même temps très inquiet pour la redescente, car il allait falloir enchaîner 5 rappels, dont les relais sont en plus réputés difficiles à trouver ... On peut dire que la descente ne m'a pas déçu ! Arrivé en bas du quatrième rappel, impossible de trouver le dernier relais, Jonathan a donc dû couper un bout de notre corde pour recréer le relais manquant ... En bas du dernier rappel, nous sommes retombés sur la vire horizontale qui nous a ramenés à la Brèche Brulle, puis nous avons repris l'arête Sud en direction de la Pointe Salvador. Ensuite, la redescente du couloir sous le Col des Trois Pointes fut un véritable plaisir dans ce sens (avec quand même quelques précautions sur le haut). Une fois en bas de ce dernier, nous étions à ce qui correspond pour beaucoup de monde au but d'une bonne randonnée. La redescente jusqu'à Bonnenuit a donc été encore très longue, surtout après plus de 12 heures presque sans pauses ...
Quand je repense à cette journée ... Quelle aventure ! C'est probablement l'un de mes plus beaux souvenirs de montagne. Le fait que Jonathan aussi s'en souvienne comme d'une grosse journée me rassure un peu d'ailleurs. C'était vraiment un gros morceau !
À la base, je voulais garder ce sommet en dernier, pour finir mon défi par celui-ci. Ça aurait été "plein de sens", un peu comme un boss de fin, et ce beau défi, dont l'idée m'est venu à Valloire et qui a commencé à Valloire par le Grand Galibier, se serait également terminé à Valloire avec l'Aiguille Méridionale d'Arves. La boucle aurait été bouclée ! Mais, j'étais trop impatient de m'y frotter, alors tant pis pour la belle histoire !
L'Aiguille Méridionale d'Arves, depuis la Pointe Salvador. "Y a plus qu'à !"
Les Aiguilles d'Arves, depuis l'Aiguille de l'Epaisseur. L'Aiguille Méridionale d'Arves est celle de gauche.
Perdus dans la face !
Le Mauvais Pas, le passage le plus technique (et exposé) de l'ascension.
Arrivée au sommet.
Ma posture sommitale, dans laquelle on lit assez facilement le sentiment de "Cool, on est en haut ... Mais euh ... Comment on descend en fait ?".
Le deuxième rappel, en redescendant de l'Aiguille Méridionale d'Arves.
22. Le Taillefer - 2857 m - Massif du Taillefer - 26/07/2018
Après l'Aiguille Méridionale d'Arves, j'ai pu profiter d'une journée sur la Clusaz, puis j'ai dû faire un aller-retour express en région parisienne pour un entretien d'embauche (J'ai été pris d'ailleurs, mais à l'heure où j'écris ces lignes, j'ai récemment démissionné car nous avons changé de vie pour partir en Lozère. On y est bien mieux !). Au retour de cet entretien, plutôt que de revenir directement à la Clusaz, j'ai pris la direction du Taillefer. Après une mauvaise nuit dans ma voiture au parking du Poursollet, je suis parti à l'aube. L'itinéraire par lequel je suis passé est une belle randonnée accessible à tous : montée au Pas de la Mine par la Crête de Brouffier, puis montée au Petit Taillefer et une fois au Col du Grand Van, (courte) montée finale au Taillefer. Au sommet, j'ai même eu la récompense d'avoir sur superbe vue sur les Aiguilles d'Arves. La redescente par le Lac du Fourchu est elle aussi magnifique.
Seul inconvénient, l'itinéraire n'étais pas "si long" (comparativement à mon réveil très matinal dû à ma position très inconfortable et au Soleil qui se levait très tôt), il me restait plus d'une demi-journée à occuper. Je me suis donc arrêté faire la Pointe de Chaurionde et la Pointe de la Sambuy sur mon trajet retour à la Clusaz.
Il n'y a pas grand chose à dire de plus sur cet itinéraire, il n'est pas de ceux qui font vivre des aventures que l'on raconte encore des années après, comme pour l'Aiguille Méridionale d'Arves. C'est simplement un itinéraire qui permet de passer une superbe journée, pour soi. Rien à étaler sur les réseaux sociaux pour gagner quelques points de capital social, juste des bonnes ondes à emmagasiner pour son bien-être personnel.
La statue de Saint-Eloi, au sommet du Taillefer. Au fond à gauche, on voit les Aiguilles d'Arves.
23. La Pointe de Ronce - 3612 m - Massif du Mont-Cenis - 15/08/2018
Avant de retrouver Adrien (lui aussi s'appelle comme ça ...) pour le Trail du Galibier, j'avais 3 jours à tuer dans les Alpes. J'ai donc décidé de faire avancer mon défi, en faisant 3 sommets manquants : la Pointe de Ronce, la Pointe de Charbonnel et le Pic Bayle. La saison étant déjà très avancée (mi-Août), je me doutais que l'entreprise était un peu risquée : les 3 étant des courses d'alpinisme sur glacier, les glaciers risquaient d'être à vif et donc difficilement praticables dans les parties pentues. Par contre, vu que j'étais seul, les crevasses devaient normalement être bien visibles, ce qui était plutôt un bon point. Toutes ces courses allaient être réalisées à la journée.
Pour le premier sommet, la Pointe de Ronce, je suis donc allé camper sous le sommet du télésiège de Côte Plane, sur les hauteurs de Val-Cenis. J'étais très angoissé à cause des glaciers à traverser en solo. Pendant la longue montée au Rocher de la Cailla, je ne voyais pas du tout ce qui m'attendait derrière et l'angoisse ne faisait qu'augmenter. Une fois à ce point, gros soulagement : le premier glacier, le Glacier de l'Arcelle, était presque sec. Il était beaucoup moins pentu et grand que ce que j'imaginais et les crevasses étaient petites et bien visibles. Sa traversée ne m'a donc pas causé le moindre problème. Ensuite, le second glacier, le Glacier de l'Arcelle Neuve, ne m'a pas non plus posé de problème : il était également moins pentu que ce que je craignais, et même s'il était encore recouvert de neige, il était possible de monter en restant sur les bords, qui sont plus des névés que le glacier en lui-même. Une fois sur l'arête sommitale, je me suis senti grandement rassuré pour la Pointe de Charbonnel le lendemain. Grave erreur ! Je ne le savais pas encore, mais cette prise de confiance un peu trop fougueuse allait être à l'origine de l'une des plus grosses bêtises de ma "carrière d'alpiniste". À cet instant, j'étais serein. Je dominais une grande partie des Alpes, la vue était splendide. Seul un vent un peu frais m'empêchait de profiter pleinement, mais j'étais aux anges ! J'avais bien étudié la descente, par l'arête qui passe au Signal du Grand Mont-Cenis, et je savais que tout allait bien se passer. Au final, la descente s'est encore mieux passée que prévu et mon appréhension pour le lendemain avait presque totalement disparu. Et la Pointe de Charbonnel étant juste là, presque à portée de main, de l'autre côté de la vallée, il n'y avait pas de raison de s'inquiéter plus que ça des conditions du glacier. La montagne n'allait pas tarder à me rappeler que je n'étais qu'un jeune con !
La Pointe de Ronce, vue depuis le Signal du Grand Mont-Cenis. En bas, on voit le Glacier de l'Arcelle, qu'il faut traverser, et au-dessus, le Glacier de l'Arcelle Neuve, qu'il faut remonter.
L'arête finale, qui mène au sommet de la Pointe de Ronce.
24. La Pointe de Charbonnel - 3752 m - Massif des Alpes Grées - 16/08/2018
Nous y voilà, ma première grosse frayeur en montagne ! Après la Pointe de Ronce, où tout s'était passé pour le mieux, la veille, j'avais une confiance monstre pour ce sommet. J'ai même décalé le réveil de 3h30 à 4h30 : j'ai finalement choisi de dormir un peu plus, rognant sur ma marge de sécurité, qui ne nécessitait pas d'être si large, puisque j'allais faire vite et que tout allait bien se passer. Hum ...
Je me suis donc réveillé à 4h30, dans ma tente, aux Vincendières, non loin du départ. Après un réveil "tranquille", je me lance à 5h40. Ça allait faire un peu tard pour l'heure de redescente sur le glacier, les ponts de neige risquaient d'être instables. En montant à mon rythme, j'allais probablement mettre 3h30 pour atteindre le sommet, donc arrivée en haut vers 9h10. Après 30 bonnes minutes de pause, j'allais entamer ma redescente et quitter le glacier 50 minutes après. Vers 10h30, je prévoyais donc d'être de retour "en sécurité". Pour un 16 Août pas trop chaud, avec une exposition Nord-Ouest, l'horaire était acceptable.
La première partie de la marche d'approche, une montée efficace (dans le jargon de la montagne, ça veut dire que ça monte fort, tout le temps, plus ou moins droit dans la pente), s'est faite assez vite (environ 1h pour 600 m D+, avec les grosses chaussures). J'ai ensuite pris la trace à travers les barres rocheuses, et tout de suite l'ambiance haute montagne s'est fait sentir ... Une fois au niveau du Ruisseau de Charbonnel, j'ai quitté la trace pour monter vers le glacier. J'ai un peu galéré pour monter, car tout était gelé et ça glissait beaucoup. Je suis monté sur environ 100 m de dénivelé avant de traverser, non sans mal, le ruisseau. Rétrospectivement, j'aurais dû le traverser avant de quitter la trace. Une fois du bon côté du ruisseau, je suis encore monté sur environ 600 m D+ à travers des ressauts rocheux sans fin, jusqu'à atteindre la base du Glacier de Charbonnel. Tout se passait bien ! J'avais juste un peu de retard sur mon planning, puisque je comptais à la base chausser les crampons au bout de 2h30, mais avec ma petite galère en traversant le Ruisseau de Charbonnel, j'étais parti depuis déjà 3h (ça commençait gentiment à partir en cacahuète).
Après avoir pris pied sur le glacier, tout semblait OK : où la glace était vive, elle cramponnait bien, et par endroit, il restait même une petite couche de neige, pour une stabilité optimale. La pente est inférieure à 30° de 3200 m à 3670 m. Seule la pente finale est à 40°. Mis à part les 80 dernier mètres, il n'y a donc pas de difficulté. En montant, je me suis rendu compte que quelque chose commençait à clocher : il restait encore pas mal de neige sur le haut et les crevasses étaient invisibles. Certaines se devinaient bien, mais d'autres, bien visibles à certains endroits, se perdaient sous une couche de neige trop fine pour résister au poids d'une personne, surtout après avoir commencé à transformer avec le Soleil. La belle confiance commençait doucement à se fragiliser. La montagne s'est brutalement rappelée à moi ... J'étais doublement seul : pas encordé, et personne d'autre ne tentait le sommet ce jour-là. En cas de problème, personne ne pourrait m'aider. J'ai donc rejoint le pied de la pente finale nettement moins serein que prévu, mais ce n'était que le début de la lente descente aux enfers ...
Plus je me rapprochais de la pente finale, plus j'avais un mauvais pressentiment. Un probable mal des rimayes ne venait rien arranger, je ne le sentais vraiment pas. Tous les voyants étaient au rouge ! En arrivant au pied du "mur", j'ai compris que mes inquiétudes étaient fondées : ce dernier était totalement gelé, impossible de planter quoi que ce soit dedans. Par acquit de conscience, j'ai essayé de monter quelques pas. Je devais taper comme un fou avec mon piolet, pour qu'il ait une prise de quelques millimètres dans la glace. Pareil avec les crampons. Après avoir monté à peine 2 mètres, je me suis rendu à l'évidence : il allait être impossible de monter 80 m comme ça. C'est à cet instant que j'ai réellement pris conscience de ma situation : je ne me sentais pas capable de redescendre ces 2 mètres sans dévisser et j'étais arrivé au pied du mur plus ou moins en diagonale, mais la pente directement sous moi, bien que moins forte, était elle aussi en glace dure et lisse. En cas d'erreur, mon programme était donc une glissade sur environ 350 mètres de dénivelé, suivie d'une falaise d'environ 300 mètres. Rien de très reluisant ... Le kéké impétueux venait de se faire violemment remettre à sa place ...
Après être resté bloqué sans bouger pendant un certain temps, complètement tétanisé, j'ai tenté de descendre. Impossible. Monter me semblait moins risqué. J'ai donc commencé de monter, en panique totale ... Plus je montais, plus je m'épuisais à taper comme un malade pour avoir un soupçon d'accroche. La plupart du temps, des plaques de glaces sautaient et le piolet ou les crampons n'avaient pas la moindre accroche. J'étais terrorisé en pensant qu'en tapant, l'un de mes maigres points d'appui pouvait céder et m'entraîner dans une chute fatale. Plus je montais, plus je tremblais. Au bout d'un moment, je ne sentais plus le piolet avec mes gants, je les ai donc posés pour avoir plus de précision dans mes gestes. Mais en tapant aussi fort, mes mains heurtaient la glace et je me suis mis à saigner. À chaque coup de piolet, je laissais une trace de sang sur la glace. Un véritable calvaire ! La pente a fini par se radoucir et j'ai pu gagner l'arête sommitale, rocheuse, sur laquelle j'étais en sécurité. Après avoir rejoint le sommet, j'ai rapidement mangé, tout en me disant qu'il fallait que je redescende au plus vite, et ne surtout pas trainer là-haut (pas trop vite non plus, la glissade ne me tentait guère).
J'avais lu dans les topos que l'on pouvait éviter la pente de glace finale en passant par la falaise, directement sous le sommet. Je n'avais malheureusement pas bien étudié cette variante et je n'ai pas trouvé d'itinéraire facile pour redescendre. J'ai donc tenté de désescalader tant bien que mal cette falaise gelée, dans un état de stress absolu. Certaines tentatives me conduisaient, après plusieurs dizaines de mètres de descente, dans de culs-de-sac sans la moindre prise, et il fallait alors tout remonter. En bas de la falaise, sur la plateforme rocheuse qui allait me permettre de reprendre pied sur le glacier, en bas du "mur final", des bouquetins paisibles, me regardaient par moments, en ignorant ma détresse ... Quand je suis finalement arrivé sur ce replat, ils étaient partis, dans un endroit sûrement encore plus inaccessible que la falaise qui venait de me causer tant de problèmes. J'ai alors retraversé le glacier, tout en restant très vigilant, sans demander mon reste ! Au pied du glacier, j'ai enfin pu souffler ! Le reste de l'itinéraire n'était plus qu'une formalité. La redescente des ressauts rocheux s'est passée sans encombre jusqu'au Ruisseau de Charbonnel, où m'attendait la dernière épreuve de la journée. Ce petit torrent avait bien grossi avec la chaleur de la journée déjà bien avancée et j'ai littéralement pris une douche (tout habillé !) en le traversant. Il y a des jours comme ça ... Fort heureusement, après ça, il ne m'est plus rien arrivé jusqu'à la fin de l'itinéraire !
Après toutes ces sensations, j'ai renoncé au Pic Bayle pour le lendemain et je me suis finalement orienté vers le Roignais, pour éviter les glaciers et les hautes altitudes.
La Pointe de Charbonnel, vue depuis les Vincendières.
Montée du Glacier de Charbonnel.
Vue depuis le sommet de la Pointe de Charbonnel.
Descente de la falaise gelée, sous le sommet de la Pointe de Charbonnel.
25. Le Roignais - 2995 m - Massif du Beaufortain - 17/08/2018
Après la frayeur de la veille sur la Pointe de Charbonnel, j'ai donc revu mon plan de route et plutôt que d'aller au Pic Bayle, j'ai fait cap sur le Roignais. Après avoir passé le Col de l'Iseran et être descendu sur Bourg-Saint-Maurice, je suis donc monté au Fort de la Platte pour passer la nuit. Moi qui espérais qu'elle soit tranquille pour me remettre de mes émotions, j'ai été réveillé par un orage de l'autre côté de la Tarentaise. J'ai pu l'admirer glisser des Arcs vers la Plagne pendant un long moment, en espérant qu'il ne traverse pas la vallée. Finalement, la nuit a été calme de mon côté et j'ai pu me lancer vers le Roignais, sous une belle météo.
Sous un superbe ciel bleu, c'était plus les chiens qui m'inquiétaient, mais aucun n'est venu troubler cette journée. En fin de journée, j'étais censé retrouver Adrien à Valloire, mais mon timing était très large. Après avoir grimpé l'immense couloir Nord-Est du Roignais, j'ai donc pu prendre mon temps au sommet. J'ai été surpris d'y être seul, car en tant que plus haut sommet du Beaufortain, avec un accès un peu technique, mais pas trop, le rendant assez ludique, je m'attendais à voir du monde. Après être redescendu, alors que je m'apprêtais à passer de la Tarentaise à la Maurienne par le Col de la Madeleine, Adrien m'a appelé : des problèmes de la SNCF ont rendu son train terminus à Chambéry. J'ai donc finalement continué ma route dans la Vallée de la Tarentaise jusqu'au bout, sans passer par le Col de la Madeleine, pour aller le récupérer. La conclusion de ces trois jours pourra donc être que sans ma frayeur à la Pointe de Charbonnel, j'aurais été au Pic Bayle et j'aurais eu beaucoup plus de route pour aller le récupérer. J'ai eu un peu de chance dans cette histoire !
Le Roignais et son couloir Nord-Est.
26. Le Mont Ventoux - 1911 m - Massif des Monts de Vaucluse - 06/10/2018
Alors que je pensais la saison finie, je me suis rendu compte que je pouvais profiter d'un aller-retour dans les Alpes pour le trail Gapen'Cimes pour faire le Mont Ventoux. Le trail étant le dimanche, je suis parti le vendredi soir du boulot, puis j'ai passé la nuit dans ma voiture (encore une fois ...), au Chalet Reynard. Je pense avoir vraiment bien fait de choisir cette période, car moi qui n'aime pas le monde, j'ai trouvé le sommet bien fréquenté pour un mois d'Octobre. L'été, ça doit être dense ! La randonné quant à elle était plutôt sympa, sans difficulté particulière, mais avec une belle ambiance provençale. Cette ascension un peu inattendue m'a également permis de finir la saison en ayant accompli les deux tiers de mon défi. Avant de partir pour Gap, je suis descendu à Bédouin et j'en ai profité pour faire le Mont Ventoux en vélo. Ensuite, j'ai filé directement à Gap pour retirer mon dossard et me coucher, le réveil étant prévu à 2h45 ... Si vous avez besoin d'astuces pour être en forme pour votre course du lendemain, demandez-moi ...
Arrivée au sommet du Mont Ventoux.
27. Le Grand Bérard - 3046 m - Massif du Parpaillon - 08/07/2019
En 2019, j'avais une semaine seul dans les Alpes. Après un départ sur les chapeaux de roues, avec le trail HTV (High Trail Vanoise, 73km, 5500 m D+), et la Grande Sassière le lendemain, je suis parti de Val d'Isère pour aller faire avancer ce défi, qui me tenait de plus en plus à cœur. J'ai donc fait cap sur la Condamine-Châtelard, pour attaquer le lendemain aux aurores avec le Grand Bérard. Ensuite, j'avais prévu d'aller à Allos pour faire le Mont Pelat et ainsi cocher deux sommets dans la même journée. Le lendemain, je prévoyais de récidiver en enchaînant la Tête de l'Estrop et le Puy de Rent (le surlendemain, j'avais comme objectif de faire la Grande Séolane, et les 2 jours qui suivaient, le Mont Viso).
Après avoir passé la nuit dans la voiture (on ne change pas une équipe qui gagne ...) au départ de la randonnée, je suis parti pour le Grand Bérard. L'itinéraire est vraiment très sympa : il fait le tour du sommet par les deux vallons qui l'entourent, avec un crochet par le sommet depuis le col entre les deux vallons (le Pas du Reverdillon). En partant tôt, j'ai eu la chance de ne croiser personne pendant toute la randonnée. La remontée du Vallon du Parpaillon au petit matin est vraiment très sympathique. On y est coupé du monde. Une fois au Pas du Reverdillon, j'ai attaqué la partie technique de l'itinéraire : l'arête Sud qui mène au sommet. Cette partie n'est pas très technique, mais on cherche beaucoup son chemin et elle est un peu impressionnante, ce qui confère une ambiance très montagne à cet itinéraire. La redescente, par le Vallon du Bérard est un peu comme la montée par l'autre vallon : reculée et sauvage ! De retour à la voiture, j'ai filé à Allos pour enchaîner avec le Mont Pelat !
Le Grand Bérard, vu depuis le Pas du Reverdillon.
28. Le Mont Pelat - 3051 m - Massif du Pelat - 08/07/2019
À peine le Grand Bérard terminé, je suis parti me garer au parking du Lac d'Allos, pour enchaîner avec le Mont Pelat. Ce sommet à la réputation d'être le 3000 le plus facile des Alpes. Je ne peux pas dire si c'est réellement le plus facile (il y a tellement de 3000 ...), mais effectivement, l'effort physique n'est pas énorme et il n'y a aucune technicité. C'était l'itinéraire parfait pour terminer une belle journée d'été. Après m'être acquitté des 8€ du parking (...), je suis parti en direction du sommet à une heure où tout le monde rentrait (un peu après 16h). Au pied de la face Sud-Est du Pelat, j'ai croisé les derniers randonneurs, puis j'ai été seul jusqu'à la fin (mis à part un autre randonneur solitaire qui redescendait, croisé environ 200 m sous le sommet). La montée finale dans cette face fait environ 750 mètres de dénivelé. Il n'y a qu'un chemin, on ne peut pas se tromper, dans cet environnement dégarni typique des Alpes du Sud. Au sommet, un peu avant 18h, la lumière du soir était vraiment splendide ! Le fait de pouvoir être seul là-haut (alors que le sommet est assez fréquenté, de par sa réputation) m'a permis d'en profiter d'autant plus. Avec cette lumière, la vue sur le Lac d'Allos était magique. En redescendant, j'ai fait un petit crochet par le lac, pour profiter de cet endroit très touristique sans personne. En écrivant ces lignes, je me rends compte que cette randonnée m'a laissé un excellent souvenir.
Vue sur le Mont Pelat, depuis le haut de la Combe du Pelat.
Vue sur le Lac d'Allos, depuis le sommet du Mont Pelat.
Fin de journée au bord du Lac d'Allos.
29. La Tête de l'Estrop - 2961 m - Massif des Trois-Evêchés - 09/07/2019
Après la grosse journée du Grand Bérard et du Mont Pelat, j'avais choisi d'enchaîner sur la Tête de l'Estrop (pratique, car également au départ d'Allos). Malheureusement, ce jour-là, des orages étaient prévus toute la journée. Étant seul, je me suis dit que je pouvais essayer de passer entre les gouttes (je n'emmenais personne dans ma bêtise ...). Le premier orage devait passer vers 5h du matin. Après une mauvaise nuit de plus passée dans la voiture, je suis parti dès la fin de cet orage (vers 6h15), le suivant étant prévu vers 8h, puis encore un autre vers 11h. J'avais prévu de me trouver un abri pour laisser passer les éclairs, puis de repartir une fois le danger passé. L'inconvénient de cet itinéraire est que l'on commence par monter d'Allos (plus précisément de la Foux d'Allos) à la Baisse de l'Aiguille, phase d'ascension durant laquelle on ne voit pas ce qui nous arrive dessus, puis on redescend dans la vallée derrière, pour enfin remonter vers le sommet. Au retour, ce profil est également problématique, car en cas de repli rapide, la phase de remontée à la Baisse de l'Aiguille vient casser le rythme et pomper rapidement nos dernières forces.
Pour ma part, à l'aller, en arrivant à la Baisse de l'Aiguille, j'ai vu le premier orage arriver au loin. J'ai eu le temps de redescendre et de commencer la remontée avant qu'il n'arrive sur moi. J'étais au niveau du chemin qui rejoint la Grosse Barre, juste sous le sommet, à un endroit où il y a de nombreux surplombs rocheux. Je n'ai même pas eu à chercher de cachette, il y en avait partout autour de moi. Je me suis logé à l'abri le temps que le gros de l'orage soit passé, puis j'ai repris mon chemin vers le sommet tout proche. Après avoir profité raisonnablement du sommet, à cause de l'orage suivant qui arrivait, j'ai attaqué le retour. Descente rapide du sommet, puis remontée à la Baisse de l'Aiguille sans trainer, tout allait bien ! Une fois à ce col, j'avais de nouveau la Foux d'Allos en vue, ce qui était plutôt rassurant. Du personnel travaillait sur les pylônes des remontées mécaniques de la station et en regardant derrière, le ciel semblait vouloir m'épargner. J'ai donc levé un peu le pied en entamant la redescente finale. Après environ un tiers de cette descente, un hélicoptère est monté de la vallée à toute vitesse. Il a récupéré deux personnes sur un premier pylône, puis les a posés à côté d'un pick-up. Il est allé chercher deux autres personnes sur un second pylône. Il en a posé une des deux au pick-up, et ce dernier est parti pleine balle. L'hélicoptère est ensuite passé très près de moi. En me voyant, le pilote s'est stabilisé en face de moi et m'a fait signe de partir au plus vite, il est ensuite parti récupérer les deux dernières personnes sur un troisième pylône, puis a plongé vers Allos. Quand j'ai compris que l'hélicoptère était venu évacuer les travailleurs en urgence, j'ai réalisé que j'étais dans une sale posture. Je me suis mis à courir aussi vite que possible, bien que peu de temps avant, le ciel ne semblait pas si menaçant que ça. Après quelques minutes à courir, j'ai vu des nuages noirs passer la Baisse de l'Aiguille. Je ne comprends toujours pas d'où ils sont sortis, ni comment ils ont pu arriver aussi vite. L'orage m'a rattrapé juste avant que je n'atteigne la Foux d'Allos. J'étais à peine à une centaine de mètres des premiers bâtiments, j'avais relâché la pression, mais à tort ! Un éclair a frappé entre moi et l'immeuble le plus proche, puis d'autres autour de moi. La pluie était d'une violence inouïe et le vent soufflait extrêmement fort. Il ne me restait plus que quelques minutes avant de pouvoir me mettre à l'abri, mais j'ai eu une sacrée frayeur !
La Tête de l'Estrop, vue depuis la Grande Séolane.
Le premier orage qui m'était passé dessus, vu depuis le sommet de la Tête de l'Estrop.
30. Le Puy de Rent - 1996 m - Massif des Préalpes de Castellane - 09/07/2019
Juste après la Tête de l'Estrop, j'ai laissé passer les orages, puis j'ai directement été à la Colle Saint-Michel, pour enchaîner avec le Puy de Rent. En fin d'après-midi, du beau temps était prévu sur ce secteur, et en plus cet itinéraire était le plus court et l'un des plus facile de ce défi, ce qui m'a permis de m'y attaquer sereinement, après les frayeurs du matin. L'itinéraire se résume en une montée courte et directe vers le sommet. Au départ en forêt, on arrive rapidement sur les crêtes dégarnies des Préalpes de Castellane, puis le sommet s'invite dans le paysage. Il ne faut que quelques dizaines de minutes pour l'atteindre et profiter d'une vue panoramique sur ce massif atypique qui rappelle plus le Massif Central que les Alpes. Là-haut, une chose est sûre, on se sent dans le Sud !
Le Puy de Rent, vu depuis le Pic de Rent.
31. Le Mont Viso - 3841 m - Massif des Alpes Cottiennes - 12/07/2019
Après l'enchaînement des jours précédents, je m'attaquais là à un sacré morceau : le Mont Viso. Après 3 échecs, cette tentative ne devait pas rater. Après chaque tentative avortée, j'idéalisais de plus en plus ce sommet, le pensant de plus en plus inaccessible. La première tentative, en 2016, nous étions parti avec tout le matériel de camping au cas où il n'y aurait plus de place au Bivouac Boarelli. Juste avant d'arriver au bivouac, nous nous sommes rendu compte que nous n'avions pas les clés de la voiture. Après avoir vidé les sacs et tout vérifié (la nuit commençait à tomber ...), nous avons choisi de faire demi-tour, car les clés étaient probablement restées à la voiture. Une fois en bas, effectivement, les clés étaient sur le contact et la porte n'était même pas fermée ... Heureusement, tout était encore là : nous commencions un road trip de deux semaines en Italie, il aurait été dommage que tout s'arrête déjà ...
En 2017, seconde tentative, le lendemain du Grand Paradis. J'en ai probablement trop demandé à Alita qui était KO. Nous avons fait demi-tour au début du sentier Ezio Nicoli.
2018, troisième tentative ! Non en fait ... Le jour où je voulais partir faire le sommet, le seul jour de mes vacances où la météo l'aurait permis, j'ai dû remonter en IDF pour passer un entretien. Était-ce vraiment une tentative du coup ? Je ne sais pas, mais ma frustration de Mont Viso avait encore grandi.
2019 ne pouvait pas être encore une déception de Mont Viso ! J'ai mis toutes les chances de mon côté cette fois-ci. J'avais pris une nuit en camping avant de me lancer, histoire de pouvoir me laver et de passer une meilleure nuit que les précédentes dans la voiture. J'avais également prévu de partir dès le matin vers le Bivouac Boarelli, aux Lacs de Forciolline, pour être sûr d'avoir une place. Une fois garé à Castello, j'ai bien vérifié que j'avais tout le matériel avec moi, que j'avais fermé la voiture et que les clés étaient bien dans mon sac. Je me suis alors lancé sur ce chemin que je commençais à bien connaître. Jusqu'au sentier Ezio Nicoli, l'itinéraire est très simple. Après la bifurcation, ça se corse un peu, on enchaîne quelques passages équipés et ça monte plus franchement, mais ce n'est rien par rapport à ce qui nous attend le lendemain. Après une remonté de ce sentier encaissé, dans les nuages, je suis enfin arrivé au bivouac, un peu avant 14h. J'étais le premier, alors que j'avais bêtement peur qu'il soit déjà complet ... Je me suis couché pour mettre toutes les chances de mon côté pour le lendemain. Plus tard dans l'après-midi, deux autres personnes sont arrivées : David et Denis, des Français aussi. J'apprendrais plus tard que David connaît très bien Jonathan. Le monde est petit ! Un peu après, une quatrième (et dernière) personne est arrivée, Thierry, encore un Français ! Nous étions donc 4 Français, dans un refuge italien, prêts à partir à l'assaut du Mont Viso.
J'avais prévu de me lever à 4h30 pour partir vers 5h00. Thierry voulait se lever à 3h30 pour partir vers 3h45 et David et Denis voulaient partir entre nous deux. J'étais finalement bien reposé et je me suis levé vers 4h00. Thierry est parti comme prévu à 3h45, David et Denis lui ont emboîté le pas, un quart d'heure plus tard, quand je me suis levé. J'ai pris mon temps et je suis parti vers 4h30. J'ai tout éteint dans le bivouac et je me suis lancé, seul, dans la nuit. J'ai cherché les frontales des autres dans la nuit, mais ils étaient déjà trop loin. Après la longue zone de blocs rocheux, en arrivant vers la moraine, j'ai commencé à apercevoir les frontales de David et Denis. Je les ai rattrapés au pied de la montée raide vers le Bivouac Andreotti, puis nous avons rattrapé Thierry au niveau de ce bivouac, juste avant le Glacier Sella. Nous avons finalement fini l'ascension tous ensemble. Nous avons brièvement chaussé les crampons pour passer le glacier, puis nous avons attaqué le cœur de l'ascension : la face Sud du Mont Viso, abondement balisée de peinture jaune.
Avec les années, je m'étais fait toute une montagne (haha !) de cette face. Je m'attendais à avoir peur durant toute la montée. En attaquant, je me suis dit "bon, le bas ça va", mais au final, bien que l'environnement soit très vertical, on n'est jamais au bord d'un vide impressionnant et plutôt que de me sentir mal, ça a été tout l'inverse : j'ai été à l'aise tout du long ! J'en étais presque déçu ! Techniquement, je me sentais bien dans les parties les plus grimpantes, mais Denis, le père de David, montait aussi vite que moi. À 70 ans, il évoluait comme un bouquetin. C'était un peu frustrant ... Au final, cette face mythique m'a laissé un super souvenir. En arrivant au sommet, il n'y avait pas un nuage. La nebbia, sorte de brume qui vient englober le Mont Viso assez rapidement dans la journée, semblait vouloir nous épargner en cette magnifique journée. Le sommet du Mont Viso est en fait composé de deux pointes très proches, toutes deux à 3841 m : la Punta Trieste, avec la croix, où l'on arrive et la Punta Nizza, beaucoup moins fréquentée, que l'on atteint après avoir franchi une fine arête. Thierry, qui construisait une vue panoramique ultra haute définition depuis le sommet du Mont Viso, n'avais jamais eu l'occasion d'aller à la Punta Nizza. Nous y sommes donc allés tous les deux.
Nous sommes ensuite tous redescendus. Au niveau du Pas des Sagnettes, nous avons quitté David et Denis qui repartaient en direction du Refuge Quintino Sella. De retour au Bivouac Boarelli, j'ai quitté Thierry, pour redescendre par le sentier du Bivouac Berardo, pour ne pas prendre le même chemin qu'à l'aller. À l'époque, j'avais trouvé que ce sommet était vraiment extraordinaire. Ce sentiment s'estompe souvent avec le temps, mais cette journée sur le Mont Viso est encore aujourd'hui l'un de mes meilleurs souvenirs de montagne. En écrivant ces lignes, je me dis qu'il va falloir que j'y retourne dès que possible !
Le Mont Viso, vu depuis le Mont Pelat.
Le sentier Ezio Nicoli, qui permet de monter au Bivouac Boarelli.
Au pied de l'impressionnante face Sud du Mont Viso.
Ça grimpe, ça grimpe !
La Punta Trieste, vue depuis la Punta Nizza.
32. La Grande Casse - 3855 m - Massif de la Vanoise - 29/07/2019
Après mes vacances d'été de 2019, je suis retourné dans les Alpes le temps d'un week-end, pour retrouver Florent (l'ami d'école retrouvé par hasard au Refuge des Écrins, 3 ans plut tôt) et Julien, à Pralognan-la-Vanoise. Un an plus tôt, nous faisions le Mont Elbrouz ensemble (nous avons fait la connaissance de Julien là-bas) et nous avons voulu remettre ça. C'est pour la Grande Casse que nous nous sommes donné rendez-vous. Je ne le savais pas encore, mais comme la Pointe de Charbonnel, ce sommet aussi allait être une sacré aventure ...
Le Samedi, nous devions "simplement" monter au Refuge du Col de la Vanoise, depuis Pralognan (depuis les Fontanettes plus précisément), mais la météo a décidé de faire de cette étape un premier supplice. Une pluie battante nous a accompagné tout du long et nous sommes arrivés complètement trempés : vêtements, chaussures, contenu du sac, ... Un vrai plaisir. Le lendemain matin, nous savions déjà que ça allait être désagréable ... Pour couronner le tout, quand le gardien nous a demandé où nous allions le lendemain et que nous lui avons répondu "la Grande Casse", il nous a dit "Les Grands Couloirs ne sont plus en conditions, ça fait 2 semaines que plus personne ne monte !". Nous avons donc choisi d'aller juste voir, au cas où ... Bref, on savait très bien qu'on allait la tenter quoi qu'il arrive ... Ensuite, dans le dortoir, notre stress était palpable. Aucun de nous n'était serein. Et pour ne rien arranger, nos affaires ne séchaient pas ! Un détail amusant me revient, dans notre dortoir, une fille encore collégienne, accompagnée de ses parents, partait pour la Pointe du Dard ou la Pointe de la Réchasse (je ne me souviens plus exactement) et était en admiration devant nous. Elle n'arrêtait pas de dire "Quand je serai forte comme vous, moi aussi je ferai la Grande Casse !". Intérieurement, je me disais que si nous étions vraiment aussi expérimentés qu'elle le pensait, nous aurions revu nos plans depuis longtemps ... Notre stratégie du "on ira voir jusqu'où on peut aller", ne pouvait finir qu'en "on forcera chaque passage comme des blaireaux". Et le fait d'avoir fait l'aller-retour depuis si loin, spécialement pour ce sommet, ne nous encourageait pas à revoir nos plans ...
La nuit est passée, nous nous sommes réveillés à 3h30 et sommes partis à 4h45. Les vêtements trempés et le fait de savoir que nous partions dans un plan foireux ne nous ont pas motivés à nous presser ... Je suis parti assez stressé (ce qui aurait dû mettre tous les voyants au rouge) et quand je suis dans ces conditions, j'ai tendance à aller vite dans les parties non-techniques, pour avoir plus de marge dans les passages problématiques. Étant passionné de trail, mes compagnons de cordée sont souvent plus lents que moi, ce qui a tendance à me faire perdre patience, car j'ai l'impression qu'ils ne font pas d'efforts (j'ai des progrès à faire de ce côté-là, je sais ...). Heureusement, Florent et Julien suivaient bien, sans broncher, ce qui me faisait reprendre un peu confiance pour la suite de cette course. Quand nous avons atteint la base du glacier, Julien nous a dit qu'il ne le sentait pas et qu'il allait retourner nous attendre au refuge. En voyant le glacier, avec Florent, on sentait le truc puant et nous n'avons donc pas vraiment essayé de le retenir. Les Grands Couloirs étaient secs et Julien savait que s'il allait jusqu'au pied du mur avec nous, il ne pourrait plus faire demi-tour sans nous contraindre à l'abandon.
Après nous être équipés, nous avons commencé la remontée du glacier avec Florent. La partie inférieure ne nous a pas posé de problème, jusqu'à arriver au pied du mur, complètement sec. Une immense crevasse séparait notre partie de glacier de la partie raide. Après l'avoir franchi, nous avons rejoint le bord gauche du mur, où une très fine croûte de neige pourrie subsistait encore par endroits. Cette partie, qui était censée avoisiner les 40°, m'a paru beaucoup plus pentue. Une fois en haut, où nous aurions dû obliquer sur la droite pour rejoindre le Col des Grands Couloirs, la pente en glace vive nous a paru plus dangereuse que de continuer tout droit, dans une pente en neige, avec un peu plus d'accroche. Nous avons donc continué tout droit, dans cette pente de plus en plus forte, avec toute la hauteur des Grands Couloirs juste en dessous de nous. J'étais au plus mal dans cette partie de l'ascension. Je perdais complètement mes moyens. Florent, plus aguerri que moi dans ce milieu, commençait lui aussi à montrer des signes de faiblesse. Quand nous avons enfin atteint un couloir rocheux, je me suis senti beaucoup mieux. Florent par contre, sans doute parce qu'il avait fait toute la montée précédente en tête, a soudain été moins à l'aise. Je suis donc passé en tête pour ce couloir, puis nous avons ensuite rejoint l'arête, que nous avons suivi jusqu'au sommet.
Notre mésaventure dans le haut des Grands Couloirs nous a fait prendre presque 2 heures de retard sur notre horaire et nous n'avons donc pas traîné au sommet, d'autant que nous savions que la redescente des Grands Couloirs allait être très problématique ... De retour sur la neige du Col des Grands Couloirs, mon mauvais feeling est revenu. Je tenais à peine debout, mes pas n'étaient pas assurés, une véritable catastrophe ! La montée m'avait fait perdre tous mes moyens sur glacier. Plus on se rapprochait de la partie raide des Grands Couloirs, plus j'étais mal. Il y avait deux immenses langues de glace vive à traverser pour revenir dans notre ligne de montée. Nous sommes donc descendus avec beaucoup de précautions. Étant complètement terrorisé, je descendais face à la montagne ... Mais cette façon de faire n'était pas totalement absurde, car à cause de l'horaire avancé, le Soleil tapait très fort dans les Grands Couloirs et des rochers n'arrêtaient pas de nous tomber dessus. En descendant comme ça, je pouvais les voir nous arriver dessus ... Après ce très long calvaire où Florent a dû être très patient avec moi, nous avons enfin rejoint la partie basse du glacier et nous avons pu reprendre la descente à un rythme convenable. En arrivant en bas de la moraine du glacier, Julien, qui nous avait vu redescendre, est venu à notre rencontre. Nous avons alors appris que le gardien du refuge, très inquiet de nous savoir partis dans les Grands Couloirs, nous avait suivi toute la journée, aux jumelles, et que par conséquent, une bonne partie des personnes qui passaient au refuge nous cherchaient également dans cette immense face, tout en pariant sur le fait que nous reviendrions seuls ou avec les secours, entiers ou en miettes ... Une fois au refuge, le gardien nous a regardé avec un grand sourire, sans rien dire. Ce genre de sourire qui laissait paraître son soulagement, tout en nous insultant de pauvre cons inconscients en même temps. Évidemment, on se faisait tout petits, on savait bien qu'on venait de faire n'importe quoi. La redescente à Pralognan s'est ensuite passée sans encombre, puis nous sommes chacun reparti de notre côté : Julien chez lui, vers Saint-Julien-en-Genevois, Florent est parti faire la Pointe de Ronce, que je lui avais conseillé, car elle m'avait vraiment plu, et moi, je suis renté en IDF (dur ...).
La Grande Casse, vue depuis le Grand Pic de la Lauzière.
Arrivée au sommet de la Grande Casse.
Au pied du Glacier des Grands Couloirs.
33. Le Pic Bayle - 3465 m - Massif des Grandes Rousses - 27/06/2020
Avec l'épidémie de COVID en 2020, je m'attendais à une année sans montagne, mais nous avons finalement pu partir à peu près librement durant l'été. Un ami, Denis, voulait découvrir l'alpinisme. Nous avons donc profité du dernier week-end de Juin pour trouver des conditions encore assez sécurisantes sur les glaciers. Il lui fallait une course facile et pas trop dangereuse pour commencer, et le dernier sommet glaciaire de ce défi, le Pic Bayle, répondait exactement à ces conditions. Une aubaine ! Nous sommes donc partis passer la nuit au Col de Sarenne, pour attaquer le lendemain vers 4h30. En montant la tente, un van aménagé est arrivé. Nous avons ainsi fait la connaissance de Marcus. En nous faisant visiter son van, je me suis décidé à franchir le pas. Depuis plusieurs années, je voulais racheter une camionnette pour l'aménager. Cette rencontre inattendue m'aura fait sauter le pas !
Après une courte nuit, nous sommes donc partis à l'assaut du Pic Bayle. Je garde un bon souvenir du début, du Col de Sarenne au Clos du Bœuf, partie quasiment plate, que nous avons parcourue à la frontale, en parlant de tout et de rien. Ensuite, en remontant le vallon du Grand Sablat, j'ai senti Denis devenir fébrile. En haut de la moraine, au moment de s'équiper, Denis n'en menait pas large ! Quelques minutes après avoir chaussé les crampons, un sérac est tombé sur notre droite. Il était tout petit et vraiment très loin, il n'y avait donc aucun risque. Mais Denis, qui n'avait alors pas l'habitude de la haute-montagne, a eu un beau coup de panique. Aujourd'hui encore, on peut l'entendre nous conter l'histoire du jour où il est passé au bord de la mort ! La suite de l'ascension s'est plutôt bien passée, même si les nuages sont arrivés et que nous avons eu le sommet dans les nuages et le vent. Dommage, car à la montée comme à la descente, nous avons eu grand bleu ... Le fait que Denis était persuadé de faire un MAM dès 2800 m m'aura aussi bien fait rire et laissé un très bon souvenir. "Adrien, j'ai une drôle de sensation dans le coude, c'est normal ? Il ne faudrait pas faire demi-tour ?" "Adrien, j'ai l'impression d'avoir moins de forces que d'habitude ! Je pense que c'est le mal des montagnes ! Vite ! Il faut rentrer !" ... Évidemment, une fois au sommet et le stress de l'inconnu dissipé, tous les symptômes ont disparu ! La descente s'est faite beaucoup plus sereinement, avec un sentiment de réussite et d'accomplissement. Sur le coup, je me suis bien gardé de lui dire que la majorité des accidents arrivent à la descente, après un que l'on se soit relâché, car on pense en avoir fini. J'ai simplement redoublé de vigilance en silence, pour ne pas nous le "recoincer" ! En bas du glacier, la fin dans les alpages verdoyants du début d'été était également un super moment. J'espère avoir bientôt l'occasion de repartir avec Denis, maintenant qu'il a un peu d'expérience, il se posera moins de questions, mais on rigolera toujours autant !
Le Pic Bayle, vu depuis les Aiguilles de la Saussaz.
Arrivée matinale dans le vallon du Grand Sablat.
Descente du Pic Bayle, dans les nuages.
34. L'Aiguille de Chambeyron - 3412 m - Massif de Chambeyron - 06/07/2020
Comme presque tous les étés depuis que nous nous sommes retrouvés au Refuge des Écrins, nous voulions faire un sommet ensemble avec Florent. Un sommet que nous ne pouvions pas faire seuls, mais que nous pouvions faire tous les deux en toute sécurité. L'Aiguille de Chambeyron correspondait parfaitement à ces critères. Je ne me voyais vraiment pas m'y aventurer seul, mais avec Florent, je savais que je pourrai y aller serein. Nous nous sommes donc retrouvés à Guillestre, avant de prendre la route pour Fouillouse. Nous avons planté la tente sur le parking à l'entrée du village, pour être prêts au plus vite le lendemain matin, la course étant réputée assez longue. L'itinéraire ne passant pas sur un glacier et la météo annonçant grand bleu toute la journée, nous nous sommes tout de même accordés une grasse matinée jusqu'à 5h45 ! Et oui, on ne se refuse rien ! Nous sommes partis vers 6h20. Jusqu'au Refuge du Chambeyron, et même un peu plus loin, là où l'on quitte le chemin, un peu avant le Lac des Neuf Couleurs, rien de spécial, c'est "juste" très beau. Ensuite, on a attaqué la partie alpinisme ! Après avoir serpenté dans de gros blocs rocheux, on a atteint le cône d'éboulis issu du Couloir Gastaldi. Ce dernier a été une belle bavante : long, pentu, instable, bref que du bonheur ! Une fois en haut, le couloir était encore pris par un gros névé, nous avons donc dû chausser les crampons, jusqu'à la vire qui permet de rejoindre la Brèche Nérot Vernet. Sur cette vire, nous avons "découvert" un itinéraire alternatif : les topos disponibles sur Internet décrivent une vire gazeuse avec un passage exposé, nous avons trouvé un "mini-couloir" confortable et sécurisant. En atteignant la brèche, nous avons découvert l'autre chemin, juste en dessous de nous. En fait au début de la vire, il fallait prendre sur la droite et ne pas coller la paroi pour trouver le chemin des topos. Au final, notre option était tout aussi bien. Ensuite, les choses se sont gâtées ! La réputation labyrinthique de cet itinéraire n'est pas usurpée. Nous avons un peu galéré pour trouver notre "chemin" dans la face, pour revenir dans la partie haute du Couloir Gastaldi. Après une prudente traversée de ce dernier, tout s'est bien passé jusqu'au sommet. À la redescente, nous nous sommes faits une petite frayeur quand Florent a glissé dans la traversée retour de la partie haute du Couloir Gastaldi, encore enneigée. Revenir à la Brèche Nérot Vernet a ensuite été beaucoup plus simple en connaissant le chemin. De retour dans la partie basse du couloir, nous avons pris notre temps pour éviter une deuxième glissade. La partie "alpinisme" finie, la fin du retour, par une magnifique journée d'été, était des plus plaisantes dans cet environnement typique de la haute vallée de l'Ubaye.
L'Aiguille de Chambeyron, vue depuis le chemin entre le Refuge du Chambeyron et le Lac des Neuf Couleurs.
Recherche du meilleur itinéraire, entre la Brèche Nérot Vernet et la partie haute du Couloir Gastaldi.
Traversée de la partie haute du Couloir Gastaldi, lieu de la petite frayeur au retour.
Retour entre la partie haute du Couloir Gastaldi et la Brèche Nérot Vernet, plus facile dans ce sens, en sachant où passer.
35. La Pointe Marguareis - 2650 m - Massif des Alpes Ligures - 08/07/2020
Le lendemain de l'Aiguille de Chambeyron, je suis parti enchaîner l'Aiguille Centrale d'Arves et l'Aiguille Septentrionale d'Arves (Bec Sud) dans la même journée, avec Jonathan, puis j'ai retraversé les Alpes pour partir tenter l'ascension de la Pointe Marguareis, le point culminant du Massif des Alpes Ligures, le "massif du bout de l'arc alpin". Je me suis garé au Refuge de Pian delle Gorre (en Italie), puis j'ai, une fois encore, (mal) dormi dans ma voiture.
Au petit matin, en me réveillant, quelqu'un est venu me demander de payer le parking. Je ne savais pas qu'il était payant ... Heureusement qu'il ne m'a pas vu dormir dans ma voiture, car il m'aurait sans doute pris pour un énorme rapace, alors que c'était plutôt mon improvisation en fonction de la météo sur mes différents objectifs qui me faisait arriver trop tardivement sur les points de départ du lendemain pour pouvoir aller au refuge.
Cet itinéraire faisait partie de ceux pour lesquels je n'avais pas vraiment de doute sur le fait d'atteindre le sommet (sauf peut-être une météo vraiment catastrophique). J'ai donc choisi, un peu au dernier moment, de pimenter la journée en passant par le Couloir des Turinois. Les infos que j'avais en partant étaient qu'il était soit possible de passer par le fond du couloir, sans matériel (dans des conditions sans neige), soit de prendre une via ferrata dans le couloir. Dans mon coffre, j'avais le matériel de via ferrata, mon piolet, des crampons d'alpinisme et des crampons de trail. Après une intense réflexion, j'ai fait mon choix : j'allais passer par le fond du couloir. Mes deux journées précédentes étant de très grosses journées, j'étais assez fatigué. J'ai donc fait le pari qu'il n'y aurait plus de neige dans le couloir et que ce n'était donc pas non plus la peine de s'encombrer du piolet et des crampons. Les petits crampons de trails suffiraient. Et puis, en Juillet, entre 2150 m et 2400 m, il n'y aurait probablement plus de neige ... Donc ce n'était même pas la peine de prendre les petits crampons de trail, qui ne pèsent rien et qui ne prennent pas de place. Je suis quand même particulièrement génial ! J'allais m'économiser tant d'efforts grâce à cette réflexion éclairée (réflexion éclairée qui avait omis de prendre en compte le fait que le couloir était orienté plein Nord, entre d'immenses falaises, et donc que le Soleil ne tapait jamais dedans ...).
Après avoir tranquillement remonté le Vallone del Marguareis et dépassé le Laghetto del Marguareis, j'ai bifurqué sur la droite pour rejoindre la base du Couloir des Turinois. Depuis le départ, un épais brouillard empêchait de voir à plus de 100 mètres. En me rapprochant du couloir, tout allait pour le mieux : les éboulis étaient bien secs, pas la moindre trace de neige. J'ai fini par arriver à un panneau, qui indiquait le début de la via ferrata. Je m'étais dit qu'en fonction de son aspect depuis le bas, je pourrais peut-être m'y engager sans matériel. Avec le brouillard, je ne voyais rien, et le panneau indiquait que le matériel était obligatoire. Je n'ai donc pris aucun risque et j'ai continué dans le couloir. Et bien évidemment, juste après le début de la via ferrata, je suis tombé sur un névé très dur et trop raide pour monter directement dessus avec mes chaussures de trail ... Le génie était dans une bien belle posture ... J'ai donc tenté de suivre une vire pour remonter le couloir par son flanc. La vire était bien foireuse et en dévers, je me suis donc fait une belle frayeur pour remonter la partie avec le névé. Ensuite, le couloir tournait sur la droite. Il y avait, là aussi, de belles barres rocheuses à grimper, sans le droit à l'erreur (d'autant plus que je n'avais pas de casque : le génie !). La rando tranquille s'est transformée en course d'alpi ... En haut de ce couloir, j'ai pu rejoindre le sommet par un versant facile et sauvage. De là-haut, la vue était splendide, sur tout l'intérieur de l'arc alpin : le Mont Argentera, le Mont Viso, le Mont Blanc, le Mont Rose, ... Sans nuages sur la Méditerranée, j'aurais même vue la Corse ! La redescente s'est faite par le versant français, puis le vallon italien qui permet de rejoindre la Testa del Duca (itinéraire magnifique et sauvage). À partir de la Testa del Duca, un chemin m'a permis de redescendre tranquillement au refuge de Pian delle Gorre.
Arrivée au sommet de la Pointe Marguareis.
Va vire hasardeuse, dans le Couloir des Turinois.
L'une des barres rocheuses à grimper, dans le Couloir des Turinois.
Mer du nuages, au sommet de la Pointe Marguareis.
36. La Haute Cime des Dents du Midi - 3257 m - Massif du Giffre - 09/07/2020
Après la Pointe Marguareis, je comptais faire le Mont Argentera, dans le même secteur. Mais la météo qui allait être moyenne et le petit coup de stress du Couloir des Turinois m'ont convaincus de me rabattre sur un sommet plus sûr. J'ai donc choisi la Haute Cime des Dents du Midi, qui est un bon morceau physiquement, mais qui techniquement reste une simple randonnée. En plus, la météo allait y être parfaite et ce sommet me rapprochait grandement de mon domicile de l'époque (en IDF), que je devais rejoindre juste après.
Après avoir passé la nuit sur le parking au-dessus de Van d'en Haut, au-dessus de Martigny en Suisse, j'ai attaqué (un peu fatigué) ma quatrième grosse journée de montagne consécutive. Après une bonne montée vers le Lac de Salanfe, je suis arrivé en vue de l'objectif du jour, qui paraissait encore bien loin. J'ai ensuite traversé le plateau du lac et je suis monté au Col de Susanfe. Une fois à ce col lunaire, j'avais déjà fait plus de 1000 mètres de dénivelé, mais il en restait encore plus de 750 ... À cause de la petite frayeur de la veille, j'avais mis les grosses chaussures d'alpi au cas où et j'avais pris tout le matériel (pour rien cette fois !). J'avais forcé un peu lors de la première partie de l'itinéraire (pour ne pas rentrer trop tard en IDF ...) et je commençais à être bien fatigué. La remontée finale de l'arête Sud vers le sommet m'a semblée interminable, dans un genre d'immense éboulis. Mais plus je montais, plus la vue se dégageait. Juste sous le sommet, un névé bien dur bloquait un peu le passage, j'ai donc sorti mon piolet, histoire de ne pas l'avoir traîné pour rien, mais ça serait très bien passé sans. Étant parti tôt et ayant marché vite, j'étais l'un des premiers au sommet, et ceux qui me précédaient n'ayant pas osé franchir le névé, je leur ai donc taillé des marches (chose que je n'aurai pas pu faire sans le piolet, je me dis donc que j'ai bien fait de l'emmener, on se console comme on peut ...). En haut, l'horizon était dégagé comme rarement : la Barre des Écrins à 145 km ou le Grand Veymont à 180 km semblaient à portée de main, nets et reconnaissables sans ambiguïté. Il faisait beau, la vue était parfaite, je suis finalement resté presque 2 heures au sommet, car je n'avais pas envie de rentrer !
Vue sur la Haute Cime des Dents du Midi, depuis le Lac de Salanfe.
L'arête Sud de la Haute Cime, depuis le Col de Susanfe.
Vue depuis le sommet de la Haute Cime. Au centre, on voit le Mont Blanc.
37. L'Aiguille du Belvédère - 2965 m - Massif des Aiguilles Rouges - 19/08/2020
Fin d'été 2020, comme tous les ans, je reprends la route de la montagne pour aller faire le Trail du Galibier (qui était en fait annulé cette année-là, pour cause de COVID). Il me reste 3 sommets dans la liste, mais les 3 me semblent très durs techniquement et également très engagés ... L'Aiguille du Belvédère étant le sommet le plus proche de chez moi à l'époque, c'est sur ce dernier que j'ai jeté mon dévolu. Pour ces mini-vacances, grande nouveauté ! Suite à la rencontre avec Marcus au début de l'été (au Pic Bayle), je venais tout juste d'acquérir mon nouveau van aménagé (utilitaire racheté à un ramoneur et les débuts de l'aménagement étaient faits). Pour la première fois, j'ai donc pu BIEN dormir au départ d'une randonnée ! Après une vraie nuit de repos au parking de Tré le Champ, je suis parti tôt, car je savais que le Lac Blanc était assez touristique et je voulais éviter le monde. Le chemin jusqu'au lac est sympa, avec des passages assez ludiques équipés d'échelles. Une fois au Lac Blanc, j'ai quitté les chemins pour rejoindre le Col des Dards, et ainsi atteindre le sommet par son arête Sud. Jusqu'au col, aucune difficulté, mais l'arête me faisait vraiment peur. Partout, il était dit qu'elle était très aérienne, très exposée, qu'il fallait faire vraiment très attention, ... Une fois sur place, je me suis dit que le début n'était pas si impressionnant que ça, et qu'au moins je ne serai pas en stress tout le long. J'ai fini par arriver au passage clé : la traversée d'une dalle un peu exposée, suivie d'une cheminée verticale d'une dizaine de mètres. Rien que pour arriver là, j'avais cru comprendre que c'était très compliqué, mais je n'ai jamais ressenti le moindre danger. La traversée de la dalle, très impressionnante en vidéo, ne l'était en fait pas du tout en vrai (je suis passé debout, téléphone à la main pour faire des photos). Ensuite, la cheminée, bien que haute et verticale, était bien prisue et pas trop exposée au vide. Je l'ai montée facilement, sans me demander comment j'allais faire pour redescendre. La fin de cette arête, comme le début, s'est déroulée sans encombre et était beaucoup moins impressionnante que prévue. Arrivé au sommet, j'ai pu pleinement profiter en prenant tout le temps que je voulais, puisque, contrairement à ce que j'avais prévu, je n'avais aucune pression pour la redescente. C'est tellement mieux quand ça se passe comme ça ! Finalement, l'un des sommets qui m'inquiétait le plus, ne m'aura pas plus marqué que ça au niveau de la difficulté technique. La seule difficulté aura été pour moi, une fois de retour au Lac Blanc, de devoir affronter la foule. On se serait presque cru sur la Côte d'Azure ! La redescente jusqu'au parking était également très fréquentée : pour certaines échelles, il y avait plus de 10 minutes de queue ! Quand j'ai coupé par les rochers pour ne pas attendre, une mégère m'a accusé de "doubler tout le monde" ... C'est vraiment un public différent ...
L'Aiguille du Belvédère, vue depuis le Lac Blanc.
La cheminée de l'arête Sud de l'Aiguille du Belvédère, passage clé de l'ascension.
Redescente de l'arête Sud de l'Aiguille du Belvédère.
Retour au Lac Blanc, avec la foule estivale.
38. Le Mont Argentera - 3297 m - Massif du Mercantour-Argentera - 20/08/2020
Après l'Aiguille du Belvédère, j'ai une nouvelle fois traversé les Alpes pour aller tenter ma chance au Mont Argentera. Lui aussi, j'avais de gros doutes sur le fait d'atteindre son sommet seul. La grande vire, qui permet de remonter la face Est du sommet, me laissait assez dubitatif quand je la voyais en photo ou en vidéo. Après m'être garé au Lago della Rovina, j'ai passé une nouvelle bonne nuit dans mon beau van ! Le lendemain matin, départ à 6h45, pour attaquer par les 450 mètres de dénivelé qui me séparaient du Bacino del Chiotas, duquel on a enfin l'objectif en vue. Ensuite, la montée jusqu'au Passo dei Detriti s'est bien passée, dans un environnement sauvage, où j'étais seul ! Effectivement, la montée étant très longue, la majorité des randonneurs passe par l'autre versant (Ouest), où le Refuge Franco Remondino permet de couper la montée en deux (environ 1500 m de dénivelé en deux fois, contre environ 1800 m en une fois par le versant Est). Au Passo dei Detriti, j'ai enfin pu voir de près à quoi ressemblait cette grande vire. Et ... elle était aussi impressionnante qu'en photo ! Une mince ligne rayait toute la face Est du Mont Argentera. Le Passo dei Detriti était déjà aux environs de la moitié l'immense face Est (environ 300 m de haut), et une minuscule bordure en partait pour rejoindre le sommet, à l'autre bout de la face. Gloups ! Je me suis approché, la boule au ventre, puis le départ de la vire m'a semblé relativement "sécurisant". Certes, on évolue au beau milieu d'une paroi plutôt verticale, mais la vire est plutôt commode et n'est pas en dévers. Un peu plus loin, j'ai atteint le passage le plus dangereux de la vire : un endroit déversant justement ! Une main courante est installée, mais honnêtement, vu son état, il vaut mieux éviter de s'y fier. Le passage n'était au final pas si long et la suite, bien qu'impressionnante, ne m'a pas paru si compliquée que ça. La fin, qui se verticalise, est en fait assez encaissée dans la paroi et le vide n'est plus si omniprésent qu'au début. Après l'Aiguille du Belvédère, c'est le Mont Argentera qui se sera révélé beaucoup moins problématique que prévu. Depuis le sommet, je n'étais pas du tout anxieux à propos de la descente. C'est aujourd'hui l'un de mes plus beaux souvenirs de montagne, et je sais que j'y retournerai.
En tout cas, ça faisait 38 / 39 ! Bien que ce sommet se soit passé pour le mieux et que je ne me sois pas senti "limite", ni techniquement, ni à cause du vide, je pense que j'ai bien fait de ne pas la faire avant, car avec moins d'expérience, je me serais peut-être fait peur sur la grande vire.
J'ai espéré pouvoir faire une tentative sur le Grand Pic de Belledonne avant la fin de l'année, puisque je devais retourner 3 fois dans les Alpes avant l'hiver. Malheureusement, fin Septembre, la première neige de la saison est venue contrecarrer mes plans. Mi-Octobre, le temps était trop incertain pour tenter un tel sommet, puis fin Octobre, de grosses chutes de neige sont venues clore définitivement la saison. Il allait falloir attendre encore un an pour pouvoir enfin terminer ce défi !
Le Mont Argentera (en haut, au centre), vu en arrivant au Bacino del Chiotas.
La grande vire de l'Argentera.
39. Le Grand Pic de Belledonne - 2977 m - Massif de Belledonne - 19/08/2021
En 2021, grand changement de vie ! Nous quittons l'IDF (plus belle région de France, à n'en pas douter, avec ses merveilles naturelles par milliers comme ... euh ... les ... euh ... ah si ! ... non ... bref !) pour aller nous installer en Lozère ! Ça faisait plusieurs années que nous voulions franchir le pas, la COVID nous aura finalement donné le coup de pouce final pour prendre la décision. Nous nous sommes donc installés dans un petit village médiéval lozérien, bien différent de notre ancienne ville des Yvelines, à l'écart de la cohue parisienne. Malheureusement, ce changement de vie préfigurait une année blanche en terme de montagne. Il ne restait plus qu'un seul sommet dans la liste, le Grand Pic de Belledonne et il allait falloir attendre une année de plus pour finir ce défi ! L'attente était insoutenable ! Heureusement, trois mois après avoir commencé mon nouveau travail, on m'a accordé quelques jours de congés durant la fin de l'été. L'occasion rêvée !
Je suis donc parti dans les Alpes, et après une journée de montagne pour être sûr que j'étais en capacité de partir à l'assaut de ce dernier sommet, je me suis lancé. Je savais que c'était l'un des plus exposés de la liste, et comme j'allais m'y attaquer en solo, ça allait être de loin le plus dangereux. J'étais donc assez anxieux, d'autant qu'en plus d'être long en distance et en dénivelé, l'itinéraire était très peu documenté sur Internet. Je partais donc pour un itinéraire long, physique, engagé, exposé et avec plein d'incertitudes pour la partie technique. Le Grand Pic de Belledonne avait tout du "boss final" de cette série !
Je suis donc parti passer la nuit au Pré Marcel, au-dessus de Villard-Bonnot. Au petit matin, une lourde chape de nuages couvrait le ciel. La météo de la veille disait qu'il devait y avoir un grand Soleil sur le sommet. Je suis donc parti avec l'espoir que rien n'ai changé durant la nuit, car au Pré Marcel, je n'avais pas de réseau. Après une longue marche sans voir le ciel bleu, l'angoisse montait, puis juste avant d'arriver au passage un peu aérien avant le Refuge Jean Collet, je suis enfin passé au-dessus des nuages. Jusque-là, j'essayais de ne pas penser au sommet, je n'y croyais pas trop. Voir ce ciel radieux m'a redonné espoir. Après le refuge, j'ai attaqué la montée vers le Lac Blanc, et ce jour-là, le balisage de l'Échappée Belle était en place, et les bénévoles se positionnaient le long du parcours. La montée était raide. L'idée de faire 150 km et 11400 m D+ dans un environnement aussi vertical me paraissait vraiment surhumain, et pourtant, j'aime les trails longue distance. Deux jours plus tard, je devais d'ailleurs faire le Trail du Galibier (50 km, 3300 m D+), type de distance que j'affectionne particulièrement. Mais de là à faire trois fois plus ... Bref, je me perds, un seul défi à la fois ! Après le Lac Blanc, mon itinéraire s'est séparé de celui de l'Échappée Belle. Ce dernier montait au Col de Freydane, alors que je partais en direction du Col de la Balmette. À cette bifurcation, j'ai pu constater que j'étais de toute évidence la seule personne à partir pour le Grand Pic de Belledonne ce jour-là. J'aurais préféré avoir des compagnons de sommet, pour ne pas être seul en cas de problème. Mais il allait falloir que j'affronte mon "boss final" tout seul ... Après un long pierrier instable, je suis arrivé au pied de la montée vers le Col de la Balmette. Atteindre ce dernier, sans être vraiment compliqué, aura été plus impressionnant que ce à quoi je m'attendais. Ensuite, juste avant de basculer sur le versant Est pour aller chercher un couloir très exposé, j'ai laissé mon matériel superflu. Une fois dans le couloir, impossible de trouver la voie. Je vais, je viens, je tente des pas exposés sans savoir si je vais au bon endroit, mais rien, j'ai l'impression de tomber sans cesse dans des culs-de-sac verticaux. Je retourne finalement sur l'arête entre les versants Ouest et Est, je ressors le topo pour essayer de comprendre par où passer. Il semble qu'au plus haut où je sois monté, il fallait faire un pas très exposé, en dévers, pour continuer plus haut dans le couloir. J'y suis donc retourné, et après de longues hésitations, j'ai réussi ce pas, qui était au final le plus technique et le plus exposé de la course. Mais ça, je ne le savais pas encore et je stressais beaucoup pour la suite de l'ascension. Il fallait encore finir de remonter le couloir, effectuer une longue traversée exposée de la face Est, avant de remonter cette dernière, très aérienne, jusqu'au sommet. La fin de la remontée du couloir s'est passé sans encombre. La traversée était impressionnante, mais à part un pas où la vire était très fuyante, ça s'est beaucoup mieux passé que ce que je craignais. La montée finale, que je pensais très verticale, l'étais moins que prévu. Deux passages équipés de câbles m'attendaient. En tentant de suivre les indications du topo, j'ai fini par atteindre le premier. En haut de celui-ci, après encore quelques pas de grimpette, j'ai atteint la fameuse boîte aux lettres qui précède le deuxième passage câblé. Autant, j'avais tiré comme un malade sur le premier câble pour monter plus facilement, autant, je ne peux pas dire pourquoi, mais je n'osais à peine toucher celui-ci. Grand bien m'en a pris ! Arrivé en haut du câble, le point d'ancrage était descellé et simplement coincé sous un rocher ... La bonne idée ! Ensuite, encore quelques pas m'ont mené au sommet tant convoité ! Enfin ! 39 / 39 !!! Mais encore fallait-il redescendre vivant pour valider ce sommet ...
Après une pause sommitale à savourer partiellement la fin de ce défi qui m'aura obsédé pendant 9 longues années, j'ai attaqué la redescente. Finalement, je n'aurai pas eu de neige sur l'itinéraire. J'ai donc dû supporter mes grosses chaussures d'alpi toute la journée pour rien. D'autant que j'aurai également été plus agile avec des chaussures de trail ... Après avoir repassé le passage câblé du haut, j'ai attaqué la longue redescente de la face Est, un genre d'immense labyrinthe vertical. À un moment, je me suis retrouvé bloqué en haut d'une petite barre rocheuse. Après quelques instants à chercher par où passer, j'ai fini par voir le bas du câble du bas de la face, à quelques dizaines de mètres sur ma gauche. Je suis donc remonté chercher le haut du câble, que j'ai pu redescendre assez facilement. J'ai ensuite retrouvé la vire plus facilement que prévu et je l'ai retraversée également plutôt facilement, avant de revenir en haut du couloir où se trouvait le passage le plus technique et le plus dangereux de l'itinéraire. Je suis arrivé assez vite au passage clé, que j'ai finalement réussi à redescendre plus facilement que prévu, pour enfin revenir au Col de la Balmette, où j'avais laissé mes bâtons de rando. Victoire ! J'ai ensuite redescendu les quelques centaines de mètres assez pentus sous le col, et j'ai enfin réellement pu relâcher la pression et savourer pleinement la fin de ce défi. Durant les 3 heures restantes, je me suis posé de nombreuses questions. "Et maintenant ?" "Qu'est-ce qui va me motiver à l'avenir ?" Le fait d'emprunter le parcours de l'Échappée Belle m'a évidemment donné l'envie de faire ce trail mythique, mais je me suis surtout dit que j'allais étendre ce défi à la totalité des massifs des Alpes.
Vue sur le Grand Pic de Belledonne, depuis le Lac Blanc.
En haut de la cheminée, le passage technique au-dessus du Col de la Balmette.
Remontée de la face Est labyrinthique du Grand Pic de Belledonne.
La suite ?
Comme évoqué juste avant, les Alpes vont bien plus loin que les frontières françaises. La continuité logique de ce défi est donc de partir conquérir le reste de l'arc alpin : Suisse, Italie, Autriche, Allemagne et Slovénie (et Liechtenstein et Monaco pour les puristes). Le principal problème étant que les massifs ne sont pas délimités de façon aussi "officielle" dans le reste des Alpes. Par exemple, le Massif du Mont Rose peut, ou non, être divisé en 8 massifs (Mont Rose, Cervin, Arolla, Combin, Weissmies, Dent Blanche, Weisshorn, Mischabels) selon les sources. En prenant le nombre maximum de massifs, on arriverait à un nouveau défi qui ressemblerait donc au "Défi des 136 Sommets". Comme on dit, "ya plus qu'à !" ...
Carte de tous les massifs des Alpes (source Wikipédia, un peu modifiée). Je vous laisse l'afficher en grand pour plus de détails.